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Publié par Pour une vraie gauche à Lannion

Nous n'avons pas pour habitude d'épargner ici le PCF mais quand quelque chose d'intéressant nous est adressé nous le publions avec plaisir. Ce texte alternatif à celui de la direction du PCF étant très long, nous le publirons en trois parties.

 

La proposition de base commune alternative au 38e congrès du PCF ci-dessous est une version provisoire. Elle sera enrichie jusqu’à son dépôt (1er juillet 2018) par les personnes qui le soutiennent sur un site wiki . Vous pouvez télécharger le texte pour l’imprimer.

Premiers signataires

Jacques Allenou, Martine Antoine, Clément Arambourou, Alain Bascoulergue, Emmanuelle Becker, Gérard Billon, Françoise Bontoux, Jean-Pierre Bontoux, Hadrien Bortot, Nicole Borvo Cohen-Seat, Marie-Pierre Boursier, Monique Brun, Silvia Capanema, Jean-Louis Castera, Lucie Champenois, Joelle Chastrusse, Alexis Christodoulou, Patrice Cohen-Seat, Bernard Cois, Gérard Cottenceau, Joëlle Courtel, Robert Couvreur, Marie-Claire Culie, Monique Delugin, Jean Paul Duparc, Olivier Dupuis, Marc Espigat, Albert Exposito, Elsa Faucillon, Claudie Fontès, Guy Gagnepain, Fanny Gaillanne, Frédéric Gaillanne, Grégory Geminel, Frédérick Genevée, Yoann Ginguene, Brigitte Gonthier-Maurin, Jean-Pierre Grangie, Madeleine Hivernet, Michel Iafelice, Robert Injey, Anne Jollet, Jean-Pierre Landais, Yann Le Lann, Benjamin Lecole, Sylvie Lefèvre, Nina Leger, Jacky Lhomme, Corinne Luxembourg, Sonia Masson, Jean-Baptiste Metz, Anna Meyroune, Mehdi Mokrani, Frank Mouly, Vivian Point, David Proult, Jérôme Relinger, Christophe Rovai, Jean-Michel Ruiz, François Salamone, Bradley Smith, Bozena Wojciechowski.

Se réinventer ou disparaître ! Pour un printemps du communisme.

Nous sommes stupéfaits, mais surtout choqués et profondément inquiets à la lecture du projet de base commune soumis aux communistes par le Conseil national. Dans une situation de très grande difficulté pour notre Parti, devenu manifestement inaudible des classes populaires, le Secrétaire national avait annoncé sa volonté que le 38ème Congrès soit celui de notre « réinvention ». Ce mot très fort, à la hauteur de la situation, promettait un travail de complète remise à plat de nos conceptions, de notre projet, de notre organisation et de nos pratiques. Il impliquait une analyse sans concessions des causes de notre terrible affaiblissement, sur le long terme autant que dans les années récentes. Et il devait ainsi permettre de déboucher sur les changements très profonds sans lesquels il est évident que nous n’avons aucune chance de jouer à nouveau un rôle significatif dans la vie politique de notre pays.

Or le texte proposé fait tout le contraire. De façon absolument incompréhensible, il ne mentionne même pas les difficultés auxquelles nous sommes confrontés : comme si elles n’existaient pas, que tout allait bien ou pas trop mal pour notre combat communiste ; comme si l’affaiblissement désormais gravement problématique de notre collectif militant et la diminution du nombre de nos élu·e·s, ou nos derniers résultats électoraux nationaux (1,93% à la présidentielle de 2007, et 2,72% aux législatives de 2017) ne caractérisaient pas une situation réellement critique.

Cette incroyable négation des obstacles à surmonter débouche inévitablement sur l’absence quasi totale d’innovation. Sur les 48 « thèses » présentées, la plupart sont la pure et simple reprise d’idées bien connues des communistes et qui font accord entre eux, reprises depuis des années de congrès en congrès : analyse du capitalisme contemporain et exigence de ruptures, confrontation de classes en France et défense stratégique des « acquis », enjeux de la bataille idéologique et objectifs de rassemblement populaire, importance des luttes et de victoires mobilisatrices, nécessité d’une organisation communiste de masse et de l’amélioration de son efficacité, etc. Franchement, là n’est pas du tout l’objet du congrès « extraordinaire » décidé, au vu de la gravité de la situation, pour apporter des réponses aux questions vitales qui nous sont posées : quelles sont les causes de la situation dramatique dans laquelle nous nous trouvons ? que devons changer de nous-mêmes, que devons-nous inventer et faire de nouveau pour redonner un avenir à notre combat ? A ces questions, le projet de « base commune » ne répond aucunement car il ne les pose même pas. Pour l’essentiel, il propose de continuer comme avant et même, sur la stratégie, de faire un bond en arrière de plus de trente ans.

Ce texte pose à nos yeux quatre problèmes majeurs.

Le communisme « oublié »

Pas un mot en effet sur le problème considérable que nous pose la crise du communisme. Le mot « communisme » n’est d’ailleurs cité que 6 fois (23 fois le mot « gauche », par comparaison), toujours pour affirmer sans explications qu’il est à l’ordre du jour. Mais sans jamais évoquer les difficultés profondes du mouvement communiste dans le monde, ni le fait que, tel qu’il est dans les esprits, il est devenu un repoussoir pour une très grande majorité de notre peuple. S’agissant d’une idée qui nous identifie plus que toute autre, un tel silence revient non seulement à oublier qui nous sommes, mais aussi à pratiquer la politique de l’autruche. Parti communiste, notre Parti n’a pas d’avenir sans un combat acharné pour réhabiliter l’idée communiste qui donne sens à son action. Ce qui suppose d’en faire vivre une conception radicalement nouvelle nous permettant notamment de nous libérer des étiquettes étatistes, autoritaires, productivistes et autres qui nous collent à la peau. Et pour cela, de ne plus hiérarchiser les mobilisations et d’attribuer autant d’importance politique et de nous investir de façon aussi offensive dans les luttes dites « de classes » que dans celles qui visent à l’émancipation des dominations liées au genre, aux prétendues « races », à l’orientation sexuelle, à l’environnement, etc. C’est donc à cette question que nous consacrons la première partie de notre proposition de base commune alternative.

La révolution à l’ancienne

Le mot « révolution » est là aussi quasi absent et concerne presque exclusivement le passé, ou le numérique et l’écologie. Pourtant, comme l’idée communiste, celle de révolution nous identifie et nous portons le fardeau des expériences révolutionnaires qui ont échoué à se débarrasser du capitalisme. Sans en porter une conception radicalement nouvelle, adaptée aux réalités de notre époque, notre combat n’est pas crédible. Or le projet de la direction du Parti s’en tient à une vision complètement obsolète. Certes, il est bien question de « processus révolutionnaire » et non plus de grand soir. Mais ce texte reste prisonnier de l’illusion selon laquelle la prise du pouvoir d’Etat serait la condition-clé d’avancement de ce processus, ce qui le conduit à donner dans les faits la priorité à la dimension institutionnelle de notre stratégie, et donc à persister dans l’électoralisme.

L’histoire nous a appris au contraire que la conquête du pouvoir d’État n’a permis nulle part d’en finir avec le capitalisme, ni même de le faire reculer, et nos propres expériences de participation à ce pouvoir, depuis les années 80, se sont au contraire accompagnées d’un affaiblissement dramatique de notre combat. Nous pensons donc quant à nous que, si toutes les conquêtes possibles de positions institutionnelles et de pouvoirs sont indispensables, la question du pouvoir d’Etat doit être articulée à ce que nous appelons avec Marx et Jaurès une « évolution révolutionnaire ». C’est pourquoi, dans une seconde partie de notre proposition de « base commune » alternative, nous avançons une nouvelle conception du processus révolutionnaire, remettant la question de la prise et la transformation des pouvoirs institutionnels et du pouvoir d’Etat à leur place dans une « évolution révolutionnaire » visant prioritairement en tous domaines l’hégémonie des classes populaires.

Stratégie : le grand bond en arrière

Là aussi, l’absence de réflexion sur 40 ans de tentatives sans succès a de lourdes conséquences. Même l’échec du Front de gauche est expédié en quelques lignes, sans analyser les raisons pour lesquelles, dit pourtant le texte, « de 2012 à 2015 nous n’avons pu ou su renforcer le FG, ni faire de la profonde aspiration à l’unité de ses sympathisants, une force de cohésion empêchant son éclatement et élargissant sa dynamique ». Faute de réussir à lire et comprendre cette très longue et riche page de notre histoire, le Conseil national se condamne dès lors lui-même à la répéter. Comme en 1985 avec le « Nouveau Rassemblement Populaire Majoritaire » décidé par le 25ème Congrès (qui faisait suite au virage libéral de F. Mitterrand et notre sortie du gouvernement d’union de la gauche), il tire un trait sur l’objectif d’une construction politique à gauche. A la place, et sous couvert de « plasticité », il propose des constructions « évolutives et multiformes » (thèse 28) avec soutien aux luttes, espaces locaux ou thématiques « autour de nos propositions communistes », et forum politique national permettant des « campagnes communes » et des « constructions programmatiques ou électorales » avec des partenaires différents selon les cas (thèse 32). La stratégie à géométrie variable devient ainsi la règle. Et comme au 25ème Congrès, passe à la trappe l’idée même d’une construction politique durable à gauche. N’est-ce pas pourtant ce qui a permis de recréer l’espoir en 2012 avec, pour la première fois depuis 1981, un score du Front de gauche au dessus de 10% ? Et malgré les hésitations et atermoiements, de permettre la percée de J.-L. Mélenchon à près de 20% en 2017 ?. Nous pensons au contraire qu’il faut imaginer une construction politique nouvelle assurant la pleine autonomie et liberté d’action de chacune de ses composantes, tout en permettant de faire « Front commun » contre la droite et l’extrême droite. Nous y consacrons la troisième partie de cette proposition alternative.

Parti : le retour du parti d’avant-garde

La critique essentielle qu’appellent les propositions du Conseil national pour transformer l’organisation du Parti est que, sur le fond, elles ne transforment absolument rien. De la conception générale aux propositions concrètes, ce que ce texte envisage aurait pu être écrit exactement de la même façon il y a dix ou vingt ans : mise en mouvement populaire, organisation des dominés et de la jeunesse, parti de masse présent sur les lieux de vie et de travail, importance de la formation, nécessité de grandes campagnes dans la durée, réseaux thématiques, directions plus démocratiques et efficaces, etc. Le seul ajout, hormis quelques aspects pratiques, concerne l’utilisation devenue incontournable des outils numériques. Pourtant, la nécessité d’inventer un nouveau processus révolutionnaire et de passer du parti d’avant-garde, tachant de faire passer ses « propositions communistes » dans les masses, à une organisation pensée de bout en bout afin de permettre aux femmes et aux hommes concrètement mobilisés dans les luttes de prendre leurs affaires en main et de décider directement en tous domaines et en toutes circonstances, doit aboutir à une tout autre forme d’organisation de notre Parti. C’est l’objet de la quatrième partie de notre texte.

A nos yeux, ce congrès est vraiment celui de la dernière chance. Beaucoup de communistes sont désemparés et démotivés ; beaucoup également quittent le Parti, presque toujours sur la pointe des pieds. Nous n’avons déjà presque plus la force de soutenir l’Humanité. Si nous n’avons pas la capacité collective de voir la réalité en face et de trouver les moyens de relancer notre combat, nous deviendrons, comme le Parti radical de gauche, une nouvelle « butte-témoin » d’un passé révolu.

Nous refusons cette perspective dramatique. Non seulement parce que nous tenons à notre Parti. Mais plus encore parce que notre peuple et le mouvement révolutionnaire dans son ensemble en ont besoin. Après quarante ans d’un libéralisme échevelé qui a profondément abîmé notre pays comme le monde entier, nous vivons un moment de remise en mouvement des peuples qui cherchent par tous les moyens, parfois les pires, à sortir du scenario catastrophe que promet le capitalisme mondialisé. En témoignent sous nos yeux les luttes et leurs tentatives de convergence. En témoigne le rejet du statu quo – parfois identifié à « l’establishment » – qui bouleverse la situation politique dans notre pays mais aussi en Espagne, Portugal, Italie, Angleterre, Pays-Bas, Irlande, et même aux Etats-Unis et ailleurs. Ce qui manque cruellement, et dont l’absence pourrait mener notre pays ou le monde à l’aventure, c’est une nouvelle perspective de dépassement du capitalisme. Elle se cherche, de mille manières. Mais elle aura d’autant moins de chances d’émerger et de s’imposer que le communisme, qui s’identifie à un tel changement révolutionnaire, serait absent de la scène politique. Notre responsabilité est aujourd’hui celle-ci : donner au communisme une figure offensive, attractive, adaptée à notre époque et tirant les leçons du passé. Pour cela, nous avons besoin de beaucoup de réflexion et de travail. Mais peut-être encore plus d’audace et de détermination à nous réinventer nous-mêmes. Bien loin de réduire l’enjeu à une simple question de personnes, ce congrès annoncé comme extraordinaire doit permettre aux communistes, enfin, d’avoir ce débat de fond, et de décider de leur avenir.

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