Reconstruire une cohérence dans la continuité de la lutte des classes par Anicet Le Pors
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Dans son dernier livre, la Trace, l'ancien ministre de la Fonction publique revient sur une vie d'engagement et de combats pour l'émancipation. Tour â tour météorologiste, économiste, juge de l'asile, conseiller d'État, syndicaliste CGT et membre de la direction du PCF, il livre un témoignage utile à la poursuite de la lutte.
Vous évoquez dans la Trace (1) le témoignage social que dessine chaque individu au cours de son existence. Quel regard portez-vous sur ce que vous avez tracé du XXe au XXIe siècle, de façon collective et individuelle ?
ANICET LE PORS Nous avons vécu un XXe siècle prométhéen, au cours duquel une part importante de l'humanité a cru pouvoir dominer la nature grâce à la science et forger le destin du genre humain par la volonté rationnelle des mouvements populaires. Les idéologies messianiques qui sous-tendaient ces démarches (théorie libérale néoclassique, réformisme redistributif, marxisme), tout en portant enseignements, se sont affaissées. Nous sommes aujourd'hui dans la phase de décomposition sociale d'une métamorphose incertaine. Époque ingrate sans espoir de paradis ni d'avènement soudain des jours heureux. Je tire de mon expérience professionnelle, syndicale et politique que deux solutions doivent être écartées. D'une part, ériger le but poursuivi en vérité dogmatique d'une nouvelle religion séculière. D'autre part, prétendre faire d'un pragmatisme aux choix idéologiques de faible densité le moyen de changer l'état actuel des choses. Pour les individus comme pour les peuples, ce qui compte, ce sont avant tout les efforts déployés pour l'émancipation, quand bien même ces parcours seraient balisés d'échecs. Ces derniers n'invalident pas les témoignages. L'important, c'est la trace, et le sens naît de la trace.
La laïcité est au cœur du débat public depuis l'attentat de Conflans. Plusieurs visions de ce principe fondamental s'opposent. Que défendez-vous ?
ANICET LE PORS L'odieux assassinat de ce professeur par un terroriste islamiste n'est pas une bonne manière d'aborder la question de la laïcité. Celle-ci doit être considérée dans la globalité de sa situation présente. Les deux premiers articles de la loi de 1905 concernant la séparation des Églises et de l'État en fixent les principes : d'une part, la République assure la liberté de conscience et garantit le libre exercice des cultes, d'autre part, elle ne reconnaît, ne salarie ni ne subventionne aucun culte. Or, force est de reconnaître que ce dernier principe de neutralité de l'État est largement négligé en France et méconnu à l'étranger. En outre, de multiples dérogations sont intervenues au fil du temps concernant tant les dispositions juridiques que les financements. Mais le plus grave réside dans les atteintes portées à la cause de la laïcité par ceux-là mêmes qui ont pour mission de la défendre, les autorités publiques au niveau le plus haut : on se souvient du discours de Nicolas Sarkozy à Latran, déplorant que l'instituteur ne puisse «remplacer le curé ou le pasteur», ou d'Emmanuel Macron se proposant au collège des Bernardins de réparer « le lien abîmé entre l’Église catholique et l'État». C'est encore les irrésolutions et les contradictions marquant les décisions et avis des juridictions. C'est surtout la confusion qui règne dans les mouvements des défenseurs traditionnels de la laïcité. Comment faire échec à l'islamisme politique dans de telles conditions ? Je m'efforce d'y répondre dans le livre. La laïcité est une condition déterminante de la paix dans le monde, de la régression des obscurantismes par le débat et de l'émancipation du genre humain.
L'immigration et le droit d'asile sont attaqués depuis cet attentat. Vous avez été président de chambre à la Cour nationale du droit d'asile. Que pensez-vous de ce droit ?
ANICET LE PORS J'ai pu constater comme praticien du droit d'asile combien la France demeurait aux yeux de nombreux étrangers la « patrie des droits de l'homme » et la « France terre d'asile ». Elle le doit à la Révolution française. On lit, par exemple, dans la Constitution de 1793 : « Le peuple français est l'ami et l’allié naturel des peuples libres», « Il donne asile aux étrangers bannis de leur patrie pour la cause de la liberté. R le refuse aux tyrans». Cet esprit s'est répercuté jusque dans notre actuelle Constitution, même si la France ne s'en est pas toujours montrée digne. La France accueille qui elle veut, mais la référence en la matière est la convention de Genève de 1951. Elle prévoit que la qualité de réfugié est reconnue à toute personne «craignant avec raison d'être persécutée au fait de sa race, de sa nationalité, de sa religion, de son appartenance à un certain groupe social (l'homosexualité souvent) ou de ses opinions politiques».
Comme juge, je n'ai jamais différencié demandeurs d'asile et migrants économiques, au double motif que les demandeurs d'asile reconnus sont toujours aussi maltraités dans leurs conditions de vie et de travail et que l'esclavage et d'autres sévices économiques existent encore dans le monde. Le droit d'asile avait à l'origine pour but la protection des personnes, il est aujourd'hui instrumentalisé comme moyen de contrôle des flux migratoires et d'actions sécuritaires. La plupart des régressions de ce droit ont pour origine l'Union européenne, mais la France les a souvent anticipées en droit interne.
Vous avez été ministre de la Fonction publique. A l'heure où la France fait face à une crise sanitaire, économique et sociale, que permettent les services publics ?
ANICET LE PORS Dans la crise financière de 2008, nombreux ont été les observateurs pour considérer que la France disposait, avec un secteur public étendu et efficace, d'un puissant « amortisseur social » de la crise. Avec la présente épidémie, qui s'accompagne d'une violente crise économique et sociale, chacun a pu constater que les actions les plus efficaces ont été le fait, non des gouvernants et de l'exécutif, mais des collectifs de base, notamment dans la santé, à l'école, la recherche ou les collectivités territoriales. C'est un camouflet sévère aux propagandistes du « nouveau management public », une invalidation des théoriciens du néolibéralisme. Pour disposer d'une administration intègre, neutre et efficace, elle doit être servie par des fonctionnaires dotés de garanties les mettant à l'abri des pressions économiques, politiques et de l'arbitraire administratif. Tel a été le but du statut législatif fondateur de 1946 consacrant la notion de fonctionnaire-citoyen, puis du statut fédérateur de 1983 couvrant les agents publics des administrations de l'État, des collectivités territoriales et des établissements publics hospitaliers. Ce statut a été constamment attaqué et dénaturé, mais il est toujours en place. Le défaitisme serait une erreur stratégique. A l'échelle de la société, il n'y a pas de services publics sans secteur public, c'est-à-dire sans propriété publique. La propriété est un pouvoir, les capitalistes le savent bien et l'expérimentent tous les jours. À gauche, il n'en est plus question, sinon sous la forme de pôles financiers, objets politico-économiques non identifiés. De mon point de vue, c'est une grave erreur qui hypothèque tout programme de transformation sociale. Qu'attend-on pour nationaliser Veolia-Suez pour le service public du bien commun de l'eau ?
Quel regard portez-vous sur la Ve République et la gouvernance d'Emmanuel Macron ?
ANICET LE PORS La France est un véritable laboratoire institutionnel : quinze textes constitutionnels en deux cent trente ans. Seul, en tant que parti, le PCF s'était opposé à l'avènement de la Ve République en raison de son caractère présidentiel aggravé par l'instauration par référendum, en 1962, de l'élection du président de la République au suffrage universel. La Constitution a été rapetassée vingt-quatre fois, ce qui souligne son inadéquation. Pour marquer le bicentenaire de la Révolution française, le Comité central examina en décembre 1989, sur mon rapport, un projet constitutionnel complet qui, adopté, fut aussitôt oublié sans que disparaisse pour autant la question institutionnelle. Celle-ci ressurgit ailleurs, dix ans plus tard, sous le nom de VIe République, qui ne prit jamais de consistance sérieuse. Étant donné l'éclectisme des positions sur le sujet, la solution réaliste réside sans doute dans la réalisation de convergence des forces démocratiques sur des points essentiels tels que : le concept de souveraineté nationale et populaire dans la mondialisation, les modalités spécifiques de la démocratie directe, le système parlementaire et les modes de scrutin, la désignation de l'exécutif et ses compétences, notamment quant à l'usage du référendum, etc. En face, la conception d'Emmanuel Macron est claire : le culte de l'élitisme et du pouvoir hiérarchique, des collectivités publiques et territoriales sous contrainte, un Parlement réduit et conforme, un gouvernement aux ordres d'un pouvoir autoritaire qualifié par lui-même de jupitérien. Peut-être la chance d'une maturation conflictuelle favorable aux convergences précitées.
Le PCF célèbre cette année ses 100 ans d'existence. Quelle organisation partisane et citoyenne appelez-vous de vos vœux pour participer à transformer la société ?
ANICET LE PORS Le professeur Georges Lavau caractérisait la forme parti par sa fonction tribunicienne, la capacité à exprimer la voix du peuple, et sa fonction consulaire, la capacité à le représenter. J'y ai ajouté une fonction théoricienne, la capacité à analyser et à indiquer la voie. Le PCF répondait parfaitement à cette conception et on pouvait dire qu'à cet égard il était « le plus parti des partis ». Aussi n'est-il pas étonnant qu'il ait subi le plus tôt et le plus durement le déclin que connaissent tous les partis à des degrés divers. Si une refondation est possible, je pense qu'elle passe prioritairement par la fonction théoricienne. En ce qui me concerne, je suis cette voie dont ce livre est une expression. Je m'honore d'avoir été communiste et, on me pardonnera ce recours à l'humour – qui n'est pas suffisance – quand je dis que j'ai parfois l'impression que ce n'est pas moi qui ai quitté le parti, mais que c'est lui qui m'a quitté...
L'un des plus grands défis du XXIe siècle est celui du combat contre le réchauffement climatique. Pour autant, vous ne considérez pas l'écologie comme le nouveau paradigme de la pensée politique. Quel renouvellement théorique soutenez-vous ?
ANICET LE PORS Dans le vide idéologique qui caractérise, à notre époque, le débat politique se sont engouffrés, outre des charlatans, des promoteurs d'idéologies de substitution qui ont investi des causes le plus souvent justes et respectables, mais pour en donner une interprétation sectaire aspirant avec arrogance au statut de paradigme politique : écologisme, féminisme, multiculturalisme, compassionnisme, etc. Ce qu'il y a de nouveau, c'est que nous touchons aujourd'hui les limites de notre foi dans un progrès technique infini, ce qui appelle vigilance et maîtrise traduites dans des actions publiques adéquates et non la création d'une foi nouvelle. J'ai eu la chance de commencer ma vie professionnelle au niveau mondial de l'analyse de l'atmosphère et du climat. C'est aussi à la météo que j'ai engagé ma formation syndicale et politique. Cela m'a conduit à lier étroitement activité professionnelle et proposition politique et à rédiger à cet effet un avant-projet de loi de réforme du service de la météorologie nationale que les groupes communistes de l'Assemblée et du Sénat ont déposé en 1964. Ce projet a été l'occasion de publier mon premier article, en 1965, paru dans France nouvelle sous le titre « Le temps demain ». Rien qui puisse laisser penser que je pourrais sous-estimer les problèmes écologiques d'aujourd'hui, tout au contraire. J'accorde la plus grande attention aux diagnostics du Giec et aux avertissements de l'Organisation météorologique mondiale pour qui j'ai travaillé. Mais je pense qu'il faut tenir à distance l'instrumentalisation du climat par des acteurs en mal de notoriété ou avides de pouvoir. Reste à reconstruire une cohérence, un paradigme refondé dans la continuité d'une trace dominée par la lutte des classes et la promotion de valeurs universelles. •
Entretien réalisé par Aurélien SOUCHEYRE (Journal L'Humanité)
(1) La Trace, d’Anicet Le Pors. La Dispute, 224 pages, 20 euros.
Bio d'Anicet par le Maitron
https://maitron.fr/spip.php?article141590
Né le 28 avril 1931 à Paris (XIIIe arr.) ; ingénieur de la météorologie nationale puis économiste ; militant communiste ; collaborateur de Georges Marchais ; membre du comité central du PCF (1979-1993, démission) ; syndicaliste CGT ; sénateur des Hauts-de-Seine (1977-1981) ; conseiller général des Hauts-de-Seine (1985-1998) ; ministre de la Fonction publique et des réformes administratives (1981-1983), secrétaire d’État auprès du Premier ministre, chargé de la Fonction publique et des réformes administratives (1983-1984) ; un des quatre ministres communistes du gouvernement de Pierre Mauroy ; conseiller d’État ; démissionne du Parti communiste en 1994 ; président de chambre à la Cour nationale du droit d’asile.
Fils de François Le Pors, cheminot et en complément fort aux Halles, et de Gabrielle Groguennec, un temps ouvrière raffineuse à la sucrerie Say, sympathisants communistes dans les années soixante, Anicet Le Pors avait un frère pilote de l’Aéronavale. Ils habitèrent dans le XIIIe arr., à Choisy-le-Roi, à Aubervilliers et au Pré-Saint-Gervais. La famille était bretonne du Léon, catholique comme il se doit pour des Léonards et marquée par le monde agricole ; elle retourna en Bretagne en 1969. Anicet Le Pors connut Plouvien, commune d’origine de la famille, pendant les vacances et sous l’Occupation et apprit même le breton. Resté attaché à la Bretagne, il fut, la notoriété venue, président d’honneur de la Fédération des associations bretonnes de la région parisienne.
Il fréquenta l’école primaire, un cours complémentaire de la rue Manin (Paris XIXe arr.), obtint le brevet élémentaire, puis entra au collège Arago et au lycée de la place de la Nation. Titulaire du baccalauréat, il entra par concours à l’école de météorologie. Après son service militaire dans la Marine comme officier, il débuta des études de droit et devint ingénieur météorologiste, métier qu’il exerça pendant douze ans. L’administration le nomma d’abord au Maroc où il adhéra à la CFTC puis à la CGT en 1955 à Casablanca, mais il écrit : « J’avais de bonnes raisons de ne pas adhérer au PC, avec de nombreuses préventions : le stalinisme, l’autoritarisme, plus tard Budapest ».
Chrétien, il se tourna au début des années 1950, vers Témoignage chrétien et adhéra à Jeune République, en 1954, dans la lignée du Sillon. Revenu en France en 1957, affecté au service de l’aérologie, quai Branly à Paris, ses amis de militantisme syndical en firent un compagnon de route communiste. Au lendemain du référendum du 28 septembre 1958, reconnaissant au Parti communiste pour sa campagne du « Non », et pour réagir contre la modestie des suffrages, il adhéra : « J’adhère au parti communiste, sans joie, mais parce qu’il le faut » déclara-t-il au secrétaire de la cellule de la Météorologie. Il se maria en 1959 avec Claudine Carteret, infirmière diplômée d’État.
Anicet Le Pors pensa que pour militer efficacement, un militant comme lui devait aider à relever le défi de la compétence économique. Il prépara donc une licence de sciences économiques et fit plus tard une thèse d’État (1975), poursuivant parallèlement, et sans problème, un militantisme intense et une promotion dans les organismes du ministère de l’Économie : chef de la division de l’Industrie en 1965, directeur de la mission interministérielle de l’Immigration en 1976. Il travailla sur la politique industrielle et les transferts financiers entre États et industrie, répondant au besoin du pouvoir gaulliste sur « l’impératif industriel » comme à sa participation aux débats de la section économique du PCF qui était à l’heure de la théorie du « capitalisme monopoliste d’État » (voir Paul Boccara. Mais c’est sous le pseudonyme d’Alexis Cousin, qu’il participa au comité de rédaction de la revue Économie et politique, clandestinité qu’il ne put maintenir pendant le mouvement de mai 1968. Dans les années 1970, il dirigea le département « Nationalisations et politique industrielle » de la section économique du PCF.
Proposé par sa direction pour passer un an au Centre des hautes études de l’armement (CHEAR) en 1974, il fut finalement écarté, le ministère de tutelle lui refusant l’agrément « secret défense ». Candidat contre Jean-Pierre Fourcade aux municipales de 1971 à Saint-Cloud et aux cantonales de 1973, il utilisa la situation contre son ancien adversaire, ministre de l’Économie. Celui-ci se dédouana en lui proposant de diriger une étude sur l’immigration. Deux ans plus tard, devenu sénateur communiste des Hauts-de-Seine, il quitta le ministère de l’Économie, mais prolongea par l’enseignement supérieur, à Paris XIII et à l’École supérieure des sciences économiques et commerciales (ESSEC), son intérêt pour l’économie. Il entra au comité central du PCF lors du XXIIIe congrès (mai 1979), à un moment où les orientations politiques suite à la rupture du Programme commun, ne semblaient pas correspondre à son profil. L’éloignement massif des universitaires lui ouvrit les portes et il entra au secrétariat de Georges Marchais, pour qui il eut une sympathie personnelle. Il influa sur les choix économiques, contribuant aux discours, et livres de Marchais et de Charles Fiterman. Il participait à la commission « Nationatisations et politique industrielle » du comité central. Le Parti communiste lui demanda d’accepter la fonction de ministre délégué de la Fonction publique et des réformes administratives auprès du Premier Ministre après la victoire de François Mitterrand aux élections présidentielles et les élections législatives de juin 1981. Anicet Le Pors aurait souhaité le ministère des PTT qui revint au socialiste Louis Mexandeau. Il choisit comme directeur de cabinet un syndicaliste, René Bidouze. Il était donc un des quatre ministres communistes avec Charles Fiterman, Jack Ralite* et Marcel Rigout* ; si tous en imposèrent par la qualité de leur travail, aucun n’en sortit politiquement indemne. En mars 1983, son poste fut revu à la baisse : secrétaire d’État auprès du Premier Ministre, chargé de la Fonction publique et des réformes administratives. On lui doit l’élargissement de la Fonction publique aux collectivités territoriales, aux établissements hospitaliers et aux établissements publics de recherche. Il est difficile de faire la part, dans l’évolution de ses fonctions, de l’influence décroissante du Parti communiste et des jugements sur son action ministérielle. Réputé habile et talentueux, il rencontra des obstacles, notamment du côté de Jacques Delors, ministre de l’Économie. Son action ministérielle prit fin en juillet 1984. L’année suivante il fut nommé conseiller d’État, membre de la section du contentieux et de la section des travaux publics.
Réelu au comité central en février 1982, conseiller général des Hauts-de-Seine, canton de Nanterre Sud-Est de 1985 à 1998, il était entré dans une hostilité frontale à la direction de Georges Marchais au comité central du 22 décembre 1990, refusant de voter le rapport introductif du secrétaire général jugé « personnel » et non « collégial », se prononçant pour un « parti de droit », et proposant la non-réélection de Georges Marchais. Le rapport fut voté à l’unanimité moins une voix, la sienne. Marchais déclara qu’il avait eu raison d’exprimer son avis et d’émettre un vote conforme à cet avis. Anicet Le Pors démissionna du comité central du PCF le 4 juin 1993 et du Parti communiste en 1994.
Il fut menacé d’être éliminé des instances dirigeantes de France-URSS sur lesquelles Roland Leroy* exerçait une influence déterminante, dit-il, mais sur une intervention ferme du professeur de droit constitutionnel François Luchaire, membre de la direction de l’association, menaçant de démissionner si la proposition de Roland Leroy était maintenue, ce dernier la retira. Au contraire, dans les Hauts-de-Seine, malgré quelques tensions, il fut représenté en 1992 et garda son mandat jusqu’en 1998. Sa tentation de participer au courant des « rénovateurs » ne dura guère. Pour les élections européennes de 1994, il se présenta sur une liste intitulée « L’Autre Europe » avec Jean-Pierre Chevènement et Gisèle Halimi, liste opposée au traité de Maastricht et qui n’obtint que 2,5 % des voix. Il se consacra à l’écriture avec, en 1993, Pendant la mue, le serpent est aveugle et une pléiade de livres consacrés à la vie sociale et politique. Il se préoccupa d’« identité » et de citoyenneté et occupa la fonction de président de chambre à la Cour nationale du droit d’asile
Anicet Le Pors pense que sa dimension « d’expert » lui donnait une place à part dans le système communiste, respecté, écouté, mais en dehors de la concurrence pour les postes de pouvoir. Il affirme avoir gardé toujours un « quant à soi » « qui tenait sans doute à [s]es origines et à [s]on parcours antérieur ». « J’ai vécu ma dissidence sans souffrance majeure » disait-il.
ŒUVRE : Les entreprises publiques (en collaboration), Éditions sociales, 1975. — Les Transferts État-industrie en France et dans les pays occidentaux, La Documentation française, 1976. — Les Béquilles du capital, Éditions du Seuil, 1977. — Changer l’économie, trois clés et un calendrier (en collaboration), Éditions sociales, 1977. — Marianne à l’encan, Éditions sociales, 1980. — Contradictions (entretiens avec Jean-Marie Colombani), Messidor, 1984. — L’État efficace, Robert Laffont, 1985. — Pendant la mue le serpent est aveugle, chronique d’une différence, Albin Michel, 1993. — Le Nouvel Âge de la citoyenneté, Éditions de l’Atelier, 1997. — Éloge de l’échec, Le Temps des cerises, 2001. — L’Appropriation sociale (en collaboration), Éditions Syllepse et Fondation Copernic, 202. — La Citoyenneté, PUF, coll. « Que sais-je », 1999. — Le Droit d’Asile, PUF ; coll. « Que sais-je », 2005. — Juge de l’asile, Michel Houdiard, 2010. — Les Racines et les Rêves, Éditions Le Télégramme, 2010.