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Publié par Pour une vraie gauche à Lannion

Charlotte Girard quitte La France insoumise: le mouvement plus que jamais au bord du gouffre

8 juin 2019 Par Pauline Graulle

Mediapart

La démission de cette figure de proue du mouvement créé par Jean-Luc Mélenchon est un énième coup de tonnerre dans cette formation en très grave crise interne depuis les élections européennes. Avec quelles conséquences ?

 

C’est un départ de plus, mais pas un départ comme les autres. Charlotte Girard, figure de proue de La France insoumise (LFI), très appréciée des militants pour sa loyauté et sa retenue, a annoncé ce samedi 8 juin, en plein week-end de Pentecôte, qu’elle quittait le mouvement.

Jean-Luc Mélenchon et Charlotte Girard, en novembre 2017. © ReutersJean-Luc Mélenchon et Charlotte Girard, en novembre 2017. © Reuters

Dans un long texte publié par sa camarade Manon Le Bretton – son propre compte Facebook a été supprimé hier –, cette ancienne très proche de Jean-Luc Mélenchon expose, avec une délicatesse qui tranche avec les récentes sorties à la kalachnikov de certains cadres de LFI – notamment celles de Jean-Luc Mélenchon ou de Manuel Bompard –, les raisons de son départ.

« Comment faire pour dire ce qu’il y a à dire… et pour partir ? Surtout quand il n’y a pas de lieu permettant de s’adresser aux insoumis·es sans qu’une nuée de caméras et de micros fasse écran entre vous et moi », écrit celle qui ne veut pas « déranger ».

Reste que le contenu de sa note, en dépit de sa subtilité, voire du fait même de son ton calme et serein, est pour le moins « dérangeant ». La désormais ex-Insoumise, artisane du programme « L’avenir en commun » de la présidentielle, et qui apparaissait en dernière position (inéligible) de la liste aux européennes, revient sur les ratés des derniers mois. La rédaction « chaotique » du programme des européennes ou les « doutes » sur la constitution de la liste – qui avait ouvert une crise au sein du mouvement, après l’apparition des premières interrogations dans la foulée des législatives compliquées de juin 2017.

Elle exprime sa nostalgie pour la campagne présidentielle de 2017 : les « interventions [du candidat d’alors] toujours fondées sur l’explication, jamais sur l’invective », l’époque où LFI « parl[ait] à l’intelligence » et s’occupait « d’éducation populaire ». Un anti-portrait de ce que le mouvement, au fil des mois, est devenu : resserré sur lui-même, porté par un Jean-Luc Mélenchon impulsif et explosif, et doté d’une direction coupée de sa base militante.

« Pour ma part, le chemin fléché par La France insoumise s’arrête. J’ai donné tout ce que je pouvais tant que je pensais que l’outil – le mouvement – était conforme au but – la révolution citoyenne. Mais je n’en ai plus la certitude et je n’ai pas la certitude non plus que les efforts qu’il faudrait fournir pour obtenir la refondation interne de l’outil seront au rendez-vous. Que ma défiance ne soit pas un obstacle à l’aspiration au changement et à l’effort de réflexion collective qui aura lieu. De toute façon, il n’y a pas d’autre voie que le collectif. Allons au bout de l’explication », invite-t-elle, sans probablement trop y croire.

Cela fait des mois que Charlotte Girard s’était mise en retrait. À l’automne dernier, elle avait refusé de conduire la liste aux européennes pour des raisons officiellement « personnelles », mais aussi, officieusement, pour des raisons politiques ayant trait à l’organisation interne, jugée trop verticale. Cette prise de distance, espérait-elle, susciterait un électrochoc dans le mouvement. Mais le changement n’a pas eu lieu.

Quelques mois plus tôt, aux Amfis d’été de LFI organisés en août à Marseille, elle s’interrogeait déjà devant quelques journalistes sur le chemin emprunté par le mouvement, alors même qu’il se tournait vers une ligne plus ouverte à la gauche traditionnelle, mais aussi sur le mode de fonctionnement interne de LFI, selon elle insuffisamment démocratique.

Une critique qu’elle réitérera dans des notes internes ayant fuité dans la presse. Dernière en date, celle publiée par Le Monde jeudi dernier (et reproduite ici dans son intégralité), qui a fait l’effet d’un coup de tonnerre dans ce mouvement déjà grandement fragilisé par le mauvais score aux européennes et les diverses mésaventures, notamment les perquisitions d’octobre 2018, qu’il avait traversées ces derniers temps (lire notre dernier article ici).

« Comme il ne m’apparaît pas qu’on ait bien perçu cet enjeu [de démocratie interne] soit en niant avec constance la dimension centrale de l’objection relative au fonctionnement, soit en persévérant dans une ambition de sauvetage à court-terme de l’outil, je préfère me libérer des préoccupations et projections qui m’éloignent de cette recherche », conclut-elle aujourd’hui.

Charlotte Girard s’était aussi exprimée dans une tribune de Libération pour déplorer le rendez-vous manqué entre LFI et les « gilets jaunes ». Persuadée qu’il faut renouer avec le terrain hors du champ partidaire ou institutionnel, elle a lancé, avec des camarades comme François Cocq – qui fut « banni » de LFI par un tweet de Jean-Luc Mélenchon cet hiver –, Manon Le Bretton ou Frédéric Viale, des « cercles constituants » dans plusieurs départements.

Quel sera l’impact de cette démission sur le mouvement ? Il est à craindre que son retentissement soit énorme. Alors que LFI est en pleine crise interne, que l’hémorragie militante s’accentue et que la « base » soutient de moins en moins une direction jugée de plus en plus illégitime, ce départ très symbolique sera sans doute ravageur. Et pourrait annoncer une énième série de départs dans les jours ou semaines à venir.

Depuis un an, des dizaines d’Insoumis de premier rang se sont éloignés, à bas bruit ou avec tambours et trompettes. Pour l’heure, aucun cadre insoumis contacté par Mediapart n’a souhaité réagir à la démission de Charlotte Girard. Jean-Luc Mélenchon, qui ne s’est pas encore exprimé sur la crise ouverte depuis les résultats des élections européennes, n’a pas exclu lui aussi de prendre du champ. Vu la situation, il n’aura peut-être pas d’autre choix que de le faire.

Mais qui pour prendre sa place ? François Ruffin, le très apprécié député de la Somme, n’imagine pour l’instant pas reprendre ce mouvement tumultueux dont il s’est toujours prudemment tenu à l’écart. Quant aux députés Alexis Corbière ou Adrien Quatennens, ils sembleraient plus enclins à mettre les mains dans le « cambouis ». À moins qu’ils ne jugent eux aussi que LFI est devenue un trop lourd fardeau.

 


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C
Bonjour, Comment rejoindre ou creer un (( Cercle constituant )) ? <br /> J' habite l' Ariege <br /> Merci pour la reponse
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