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Publié par Pour une vraie gauche à Lannion

Attention chef d’oeuvre, à hauteur d’homme… Les feuilles mortes d’Aki Kaurismäki …

Une critique de Danielle Bleitrach

Chef d’oeuvre : La classe ouvrière n’a pas dit mots… maux… | Histoire et société (histoireetsociete.com)

Pour les mélenchonistes du coin qui oublient qu'il existe des classes populaires et encore des ouvriers (qui votent Le Pen maintenant par dégoût) et à Roussel pour lui dire que la classe ouvrière se fout de l'Ukraine....L'huma Lann

« Dans la salle de cinéma, on lève la tête. Quand on regarde la télévision, on la baisse. » c’est ce qu’avait dit Jean-Luc Godard le 7 mars 1987 lors de la cérémonie des Césars du cinéma français, où il se voyait décerner une statuette à titre honorifique, et en disant cela il fixait Elkabbash, dans une sorte de prolongement de la phrase de Marchais, jamais prononcée “taisez-vous Elkabbash!” Ce n’était qu’un des épisode de la guerre menée par le cinéaste contre la petite lucarne, ou« robinet à images » .

Et bien Aki kaurismäki le magnifique cinéaste finlandais offre à la classe ouvrière son ultime triomphe: la télévision n’existe plus…

Certes pour le reste la dite classe ouvrière en prend plein la gueule et pour quelques kopecks. Non seulement l’URSS, elle non plus n’existe plus mais le film est périodiquement traversé par la description de la guerre en Ukraine dans laquelle les deux ex-peuples soviétiques se font la peau dans l’ancien grand centre industriel de Marioupol orgueuil des acieries de l’URSS. Une propagande déversée à flot continue par la radio que les protagonistes écoutent sans entendre… La Finlande a quelques milliers de kilomètre de frontière avec la Russie, mais cette classe ouvrière ne réagit pas, elle subit ces mots, ces maux de la guerre. La jeune ouvrière coupe le son et proteste: saleté de guerre. Ce sera tout mais on aura évité l’horreur mensongère du robinet télévisuel type LCI … et cette absence correspond à une réalité: la jeunesse n’écoute plus la télé… Chez nous, non plus… Certes le crétinisme des réseaux sociaux ce n’est pas mieux mais justement la classe ouvrière de Aki Kaurismaki est irréductible, pour les images elle fréquente le cinéma de quartier, tombe amoureuse en contemplant la nuit des morts vivants de Romero (1968) . ON se souvient bien sur de l’interrogation à l’époque sur qui sont les zombies ? Les clients du supermarché… En tous les cas pour Aki Kaurismaki ce ne sont pas les employées du dit supermaché, comme le démontre le geste révolutionnaire de ces employées qui assument un renvoi collectif en soutien de leur copine accusée injustement de vol pour avoir pris un produit périmé qui allait être jeté. Un salaire de misère qui oblige au vol merite-t-il que l’on se taise devant l’injustice ? Non revendiquent les vendeuses… Les zombies ce sont ceux qui acceptent de les sanctionner, de dénoncer leur “vol”, les flics du patronat.

Souvent dans le film , l’histoire du cinéma est là, pour dire qu’il existe un ailleurs dans lequel on peut puiser une autre conception du monde. La chaleur de l’amitié de ces exploités, existe même si elle n’a plus de mots pour se dire, elle existe dans les bars où l’on boit parce que l’ouvrier déprime et qui déprime parce qu’il boit.On n’en sort pas, en cas d’accident on le vire pour ivrognerie alors que les engins sont vieux et dangereux, ça évite de payer des idemnités. Les femmes ne les supportent plus et si l’une dit “ce sont des porcs, l’autre lui répond : “les porcs sont gentils et raffinés”. Bref chacun en rajoute en matière de solitude imposée

Mais l’exigence d’amour est là, ce n’est pas un hasard si l’on tombe amoureux dans un cinéma de quartier dans une séance où se joue la nuit des morts vivants. Si l’on tente de se retrouver en vain devant les affiches de Rocco et ses frères, si cela se termine sur un plan qui paraît emprunté aux lumières de la ville avec un chien qui s’appelle Chaplin. Mais pas la moindre télé… Parce que mieux ou pire pour dire la pudeur, la tension, il y a le refus de la vulgarité , la dignité du silence, chaque geste a du sens, ce qui n’atteint pas le juste doit se taire pour dire le déchirement de l’absence de l’être aimé, là on pense à Bresson. Et comme l’on ne se parle pas sinon pour se dire le vrai, pour se torturer pour oser, ce sont les chansons qui disent, décrivent… Des chansons qui exprimet tout ce que l’on tait, les plaintes dans laquelle la violence et le desespoir sont encore plus âpres que dans d’autres films d’Aki Kaurismäki.

 

Oui décrire la classe ouvrière ne relève pas du passé mais on doit dire à quel point elle a subi une défaite mais continue à être porteuse d’un autre monde.

Ce qui caractèrise les grands cinéastes c’est qu’il suffit d’un plan pour savoir que c’est un film de lui, chez ‘Aki Kaumtismäki il ya du clacissisme. Les mouvements de caméra sont inutiles : un panoramique suffit ce qui confère du naturel au jeu de l’acteur, il met la camera au niveau du jeu de l’acteur. Ce naturel n’est pas simple retour aux années soixante, mais il s’agit bien d’imposer la réalité auquel la fiction contemporaine ne croit plus alors qu’elle est là et que le nier revient à rendre illisible la politique, et nous interdit la simplicité, la force des sentiments humains. Tout est subordonné à l’art et la manière de tenir la tête haute. le spectateur est invité à suivre l’histoire, à s’intéresser aux individus qu’il a devant lui, alors que leur sentiments sont pris dans l’écheveau de tant d’événements, presque un documentaire sur le contemporain la guerre, la fin des droits des travailleurs, la précarité, l’absence de logement. Pour cela, il faut que la retenue soit dense, précise, le regard, le sourcil qui se lève, la reconnaissance de l’immportance de l’autre alors même que l’on n’ose s’approcher. Il y a la pauvreté, mais aussi les tours du destin comme dans tout mélodrame, l’adresse que l’on perd, l’accident qui empêche de se retrouver, le malentendu et tout à coup grâce à un ami, un individu bienveillant, une solidarité des humbles doucement le miracle s’accomplit.

Ne croyez pas que cela soit simplement déchirement du mélodrame, ce bel amour, ce don inouï, ce pactole des démunis, des damnés de la terre, reste cocasse, burlesque, c’est du Chaplin, du Buster keaton, comme dans le muet mais aussi de l’humour à jet continue avec la phrase qui fait mouche comme dans un jeu d’épée…

Est-ce qu’il est besoin d’être un cinéphile pour apprécier ce film, c’est un piment supplémentaire, mais cela n’est pas nécessaire parce qu’il y a la force d’une exigence, celle de vous faire connaitre des êtres humains qui résistent et construisent un bel amour avec sobriété, des sentiments qui les grandissent et le spectateur avec.

Franchement donnez vous le bonheur de ce cinéma-là, celui qui respecte ce dont vous avez tant besoin, des relations fortes, de l’amitié, de l’amour, des solidarités de classe et dites vous bien que cette classe poussée dans ses retranchements depuis plus de cinquante ans se tait mais n’est pas dupe, elle a peur de ses propres désirs mais ne les oublie pas. Cela n’est pas du passé mais du présent qui porte une espérance…

Danielle Bleitrach

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