Ukraine: l'OTAN et ses maîtres américains veulent la guerre!
08 août 2014 | Par Jean-François Goulon
Par Pepe Escobar. Article publié dans AsiaTimesOnline, le 8 août 2014: NATO is desperate for war (traduit par JFG-QuestionsCritiques
in:http://histoireetsociete.wordpress.com/2014/08/09/lotan-veut-la-guerre-a-tout-prix/
L’Organisation du Traité de l’Atlantique Nord est prête à tout : ça lui démange de faire la guerre à tout prix sur le champ de bataille ukrainien.
Commençons par le commandant suprême du Pentagone, le ministre de la Défense américain Chuck Hagel, qui s’est fait lyrique à propos de la « menace » de l’ours russe : « Lorsque l’on voit le rassemblement de troupes russes et la sophistication de ces troupes, l’entraînement de ces troupes, l’équipement militaire lourd qui est positionné le long de cette frontière, c’est bien sûr une réalité, c’est une menace, c’est une possibilité – absolument ».
La porte-parole de l’Otan, Oana Lungescu, n’est pas parvenue à préciser si c’était une « menace » ou une « réalité », absolument ou pas, mais elle a tout vu : « Nous n’allons pas jouer aux devinettes sur ce que la Russie à en tête, mais nous pouvons voir ce que la Russie fait sur terrain – et c’est très inquiétant. La Russie a amassé environ 20.000 soldats prêts au combat à la frontière orientale de l’Ukraine ».
Dans un langage caractéristique d’une précision redoutable, Lungescu a ensuite ajouté que la Russie enverrait « très probablement » des troupes en Ukraine de l’Est sous couvert d’une « mission humanitaire ou de maintien de la paix ». Et l’affaire était réglée.
Hagel et sa sous-fifre roumaine contrôlée à distance, Lungescu, n’ont de toute évidence pas lu cet article [en anglais] ou tout simplement ignoré l’explication détaillée donnée par le porte-parole de l’armée de l’air russe : il se trouve que cette « menace » ou ce « rassemblement » expire ce vendredi, le dernier jour des exercices militaires annoncés à l’avance.
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Fogh Anders Rasmussen, alias « Fogh of War » (brouillard de guerre) [1]
« Brouillard de guerre » devient nerveux
Juste au bon moment, le secrétaire général de l’OTAN, Fogh Anders Rasmussen, est arrivé à Kiev écumant d’une rage guerrière, prêt à jeter les fondations du sommet de l’OTAN, qui se tiendra le 4 septembre au Pays de Galles, où l’Ukraine, intronisée comme alliée majeure non-membre de l’Otan, pourrait être présentée pour devenir, à la vitesse de l’éclair, entièrement militarisée par l’Otan. En outre, l’Otan s’apprête à « rassembler des troupes » sérieusement en Pologne, en Roumanie, dans les Etats baltes et même en Turquie.
Mais ensuite, toutes sortes de Khaganat de dérivés de Nuland (comme dans Victoria Nuland, la ministre américaine des Affaires étrangères déléguée aux affaires européennes et eurasiatiques) ont commencé à inventer des histoires à tour de bras. On peut imaginer le vaniteux Rasmussen tentant vainement de se ressaisir.
Il a dû faire quelques efforts tandis qu’on lui présentait le spectacle du Président ukrainien Petro Porochenko – un oligarque approuvé, jusqu’au cou dans les pratiques douteuses – faisant de son mieux pour évincer les manifestants d’origine du Maïdan, au centre de Kiev. Ce sont les gens qui, en fin d’année dernière, ont démarré la protestation, qui fut plus tard détournée par le Banderastan (comme dans Prince Bandar ben Sultan), le secteur de la droite des néonazis et les maîtres néocons américains.
La protestation originale du Maïdan – une sorte d’Occupy Kiev – était contre la monstrueuse corruption et pour la fin de la valse perpétuelle des oligarques ukrainiens. Ce que les manifestants ont obtenu a été encore plus de corruption, la valse habituelle des oligarques, un Etat en faillite en guerre civile et menacé d’un nettoyage ethnique avoué d’au moins 8 millions de citoyens et, par-dessus le marché, un Etat en faillite en route vers plus d’appauvrissement sous « l’ajustement structurel » du Fonds monétaire international. Il ne faut pas s’étonner qu’ils n’aient pas quitté la Place Maïdan.
Donc, Maïdan – la redite – a déjà commencé avant même l’arrivée du Général Hiver. Le roi du chocolat, Porochenko, doit les déloger aussi vite que possible parce que des manifestations renouvelées à Kiev ne s’harmonisent tout simplement pas avec le récit hystérique des médias institutionnels occidentaux, selon lequel « tout est la faute de Poutine ». Le pire, c’est que la corruption est encore plus méchante qu’auparavant – à présent avec plein de connotations néonazies.
Avec Brouillard de Guerre qui est déjà furieux parce que « la Russie n’envahira pas », le pompeusement nommé « Secrétaire d’Etat » au Conseil de la Défense et à la Sécurité Nationale d’Ukraine, le néonazi Andrey Parubiy – qui est le candidat le plus probable pour avoir ordonné la frappe le mois dernier contre l’avion civil MH17 – a décidé de se retirer. Un rat approuvé abandonnant un bateau qui coule, manœuvre essentiellement provoquée par le fait qu’il n’a pas obtenu de mettre les bouchées double pour un nettoyage ethnique étendu en Ukraine orientale, et qu’il a dû endurer un cessez-le-feu. Porochenko n’est pas un imbécile : après des tonnes de mauvaises relations publiques, il sait que son « soutien » à l’échelle nationale se réduit comme peau de chagrin.
Aggravant encore tout ce cinéma, un croiseur américain lanceur de missiles entre à nouveau dans la Mer Noire « pour promouvoir la paix ». Le Kremlin et les services secrets russes n’ont pas de mal à voir de quoi il s’agit.
Et puis, il y a cette horrible crise des réfugiés qui se développe en Ukraine orientale. Mardi dernier, durant une réunion du Conseil de sécurité des Nations unies, Moscou a demandé des mesures humanitaires d’urgence – en vain, comme on pouvait le prévoir. Washington a bloqué cette demande parce Kiev l’avait bloquée (« Il n’y a aucune crise humanitaire à arrêter »). L’ambassadeur russe Vitaly Churkin a dramatiquement décrit la situation à Donetsk et à Lougansk comme étant « désastreuse », soulignant que Kiev intensifie les opérations militaires.
Selon l’ONU elle-même, au moins 285.000 personnes sont devenues réfugiées en Ukraine orientale. Kiev insiste pour dire que le nombre de réfugiés intérieurs est « seulement » de 117.000 ; les Nations Unies en doutent. Moscou maintient que le nombre ahurissant de 730.000 Ukrainiens se sont enfuis vers la Russie ; le Haut Commissariat des Nations unies pour les réfugiés en convient. Certains de ces réfugiés, fuyant la localité de Semenivka et la ville de Slaviansk, ont détaillé l’utilisation que fait Kiev du N-17, une version encore plus létale du phosphore blanc.
Lorsque l’Ambassadeur Churkin a mentionné Donetsk et Lougansk, il se référait aux casseurs de Kiev parés à une attaque massive. Ils pilonnent déjà le quartier de Petrovski à Donetsk. Près de la moitié des habitants de Lougansk se sont enfuis, la plupart vers la Russie. Ceux qui sont restés derrière sont essentiellement des vieillards et des familles avec de jeunes enfants.
Crise humanitaire n’est pas suffisant pour décrire ce qu’il se passe : il n’y a plus d’eau, d’électricité, de communications, de carburant et de médicaments à Lougansk. L’artillerie lourde de Kiev a partiellement détruit quatre hôpitaux et trois cliniques. En un mot, Lougansk c’est la Gaza ukrainienne.
Dans une symétrie cynique, exactement comme elle a donné à Israël un blanc seing à Gaza, l’administration Obama donne un blanc seing aux bouchers de Lougansk. Et il y a même une diversion, Obama a longuement réfléchi pour savoir s’il fallait bombarder les casseurs de l’Etat Islamique du Calife en Iraq ou peut-être larguer un peu d’aide humanitaire. Il a opté pour un bombardement (peut-être) « limité » et probablement pour des largages moins limités de nourriture et d’eau.
Donc, soyons clairs ! Pour le gouvernement américain, « il pourrait y avoir une catastrophe humanitaire » sur le mont Sinjar en Irak, impliquant 40.000 personnes. Quant aux 730.000 Ukrainiens de l’Est, chiffre minimum, ils ont le droit solennel d’être pilonnés, bombardés, frappés par voie aérienne et transformés en réfugiés.
La Nouvelle Somalie
Les lignes rouges de Moscou sont assez explicites : l’OTAN hors de l’Ukraine ; la Crimée fait partie de la Russie ; aucun soldat américain à proximité des frontières russes ; une protection totale pour l’identité culturelle russe du Sud et de l’Est de l’Ukraine.
Pourtant, la crise humanitaire – véritable – (que Washington réfute) est à elle seule un autre sujet sérieux. Les forces de Kiev ne sont pas équipées pour une guerre urbaine prolongée. Mais en supposant que ces forces – un mélange de soldats réguliers, de milices financées par les oligarques semant la terreur et la mort, de la garde nationale ukrainienne infestée de « volontaires » néonazis et de mercenaires étrangers entraînés par les Américains – décident de se livrer à un carnage de masse pour prendre Donetsk et Lougansk, alors il est probable que Moscou devra prendre en compte ce que les types de l’Otan présentent comme une « intervention terrestre limitée » en Ukraine.
La bande de communicants de l’OTAN est assez bête pour croire que si Poutine peut déguiser l’intervention en mission humanitaire ou de maintien de la paix, il peut également la vendre à l’opinion publique russe. Sa cote de popularité est à un niveau astronomique de 87%. Seul un – improbable – carnage de masse perpétré par Kiev changerait la donne et influencerait l’opinion publique. Considérant que c’est exactement ce que veut l’OTAN, Brouillard de Guerre fera des heures sup’ pour forcer ses vassaux à provoquer un tel carnage.
Enfin, tenant compte des derniers développement, ce que les faits sur le terrain indiquent est que l’actuelle valse des oligarques à Kiev se délite déjà – comme dans l’exemple ICI [2]. Moscou n’aura même pas besoin de se donner la peine de penser à « envahir ». En attendant, le génocide au ralenti de Porochenko en Ukraine de l’Est, de même que sa répression de la redite du Maïdan à Kiev, continueront d’obtenir un blanc seing. Tous saluent l’Ukraine comme la nouvelle Somalie, un Frankenstein bien opportun créé par l’Empire du Chaos exceptionnaliste.
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Notes :
[1] le « brouillard de guerre » désigne le caractère flou ou incertain des informations dont disposent les belligérants à propos de leurs ennemis. En anglais : fog of war.
[2] "Les Ukrainiens mobilisés pour la guerre, les femmes brûlent les ordres de mobilisation."