Le PCF derrière Mélenchon : un scrutin serré pour un choix décisif par Roger Martelli
Les militants du PCF ont fait à une courte majorité (53,6%) le choix d’un soutien à Jean-Luc Mélenchon. Ils ont donc infirmé la décision de la récente Conférence nationale. L’espoir porté par le Front de gauche en 2012 n’a pas été abandonné.
Le 5 novembre dernier, les délégués à la Conférence nationale du PCF – composée de représentants des fédérations départementales – ont décidé à 55% des suffrages exprimés que le PCF présenterait son candidat au printemps de 2017. Trois semaines plus tard, la tendance s’est inversée (53,6% en faveur d’un soutien à Jean-Luc Mélenchon).
http://www.regards.fr/ le 26 novembre 2016
En juin 2011, quand il s’agissait de désigner le futur candidat soutenu par le PCF, 59% des militants qui avaient exprimé un vote l’avaient fait en faveur de Jean-Luc Mélenchon. Le recul par rapport à 2011 ne serait donc que de quelque 5%. Dès demain, nous présenterons une analyse plus détaillée des votes par département. Les remarques qui suivent s’en tiennent à l’estimation nationale globale.
1. En 2011, les militants avaient amplifié la propension à préférer une candidature communiste estampillée : ce choix avait été retenu à 36 % par une Conférence nationale et à 40,9 % par les militants. Ce n’est pas le cas cette fois. Une nette majorité des militants qui se sont exprimés a choisi de suivre l’avis donné par leur secrétaire national.
2. En même temps, à l’issue de cette séquence houleuse, la direction en place se trouve affaiblie. Au printemps dernier, à l’occasion du 37e Congrès du PCF, l’option majoritaire avait eu de justesse une majorité absolue des votes militants. Si l’on ajoute à ce chiffre le quart de suffrages qui s’étaient portés sur la motion "Ambition communiste" (qui penchait pour un soutien à Jean-Luc Mélenchon), la nouvelle consultation suggère une nouvelle brèche dans la légitimité de l’équipe en place. S’il était encore besoin d’une preuve qu’a bien disparu l’homogénéité passée du corps militant communiste, elle a été donnée ce mois-ci.
3. Il n’en reste pas moins que cette direction a réussi, en trois semaines, à contredire un vote qui obligeait le PC à concourir directement à l’élection la plus difficile pour lui. Le rétablissement s’est fait brusquement : le secrétaire national avait attendu la veille de la Conférence nationale pour affirmer son choix, après de longs mois où l’argumentation publique n’avait pas lésiné sur les mots virulents qui discréditaient l’engagement de l’allié de 2012. Il s’en est fallu de peu qu’il soit désavoué par l’ensemble des adhérents. Mais il ne l’a pas été.
4. Le vote de ce week-end ne mettra pas pour autant fin à toute incertitude. La direction communiste n’a cessé de répéter que toute décision prise, quelle qu’elle soit, pourrait être revue en janvier prochain, dans l’hypothèse d’une nouvelle distribution des forces, du côté socialiste notamment.
Cette semaine encore, une tribune publiée dans L’Humanité par la présidente du Conseil national, Isabelle d’Almeida, relativisait en ce sens le choix défendu par elle d’un soutien au leader de la France insoumise. Et la direction communiste a pris bien soin de participer à la rencontre organisée par Martine Aubry pour relancer une dynamique de rassemblement de toute la gauche. Écartée officiellement, l’alliance avec une partie de la mouvance socialiste n’est donc pas exclue de façon absolue, d’autant que plusieurs de ceux qui plaidaient pour l’option purement communiste ne cachent pas leur attirance pour une solution évoquant plus ou moins feue la « gauche plurielle ».
5. Ce qui compte dans l’immédiat, c’est que le PCF agira à partir de demain en soutien de la candidature de Jean-Luc Mélenchon. Il y a quelques semaines, on pouvait craindre qu’il ne reste décidément rien de l’expérience du Front de gauche. La décision nette d’Ensemble, le week-end dernier, et le vote des militants communistes aujourd’hui relancent la donne, enfin.
Sans doute faudra-t-il trouver les formes pour que la France insoumise et les nouveaux apports déclarés puissent converger dans les mois prochains et pas seulement se côtoyer. Il faudra de la bonne volonté de part et d’autre pour y parvenir. Un pas important dans la voie de la raison a été accompli ; il reste à l’amplifier. L’objectif de retrouver la dynamique de 2012 est désormais à portée de main. Lourde serait la responsabilité si, pour d’inutiles rancoeurs, cette retrouvaille ne s’avérait pas possible.
6. Raisonnable pour la gauche de gauche, le choix des militants communistes l’est aussi pour leur parti. On sait que le potentiel militant des communistes (50.000 cotisants réguliers) est considérable. Mais il est en recul : le nombre officiel de cotisants est passé de 80.000 en 2008, à 70.000 en 2011 et 50.000 aujourd’hui, soit une baisse de 30% en cinq ans et de près de 40% en huit ans. Il en est de même pour la situation électorale : depuis le début de la décennie, le PCF pourrait avoir perdu entre 25% et 40% du nombre de mairies communistes et "apparentées" et peut-être un tiers du nombre total de ses élus.
Un grand nombre de militants a perçu qu’un nouveau solo communiste, comme en 2002 et 2007, pourrait être fatal à leur parti. Et ils ont considéré que la peur d’être entre les mains de Mélenchon et de la "France insoumise" était, tout compte fait, moins répulsive que celle d’un isolement meurtrier. L’avenir dira ce qu’il en sera, après une phase électorale qui ouvrira vers des recompositions d’importance. Quand celles-ci s’engageront, quelle place y occuperont les communistes ? Renforcée ou affaiblie à nouveau ? Au sein ou en marge des constructions à la gauche de la gauche ? En mesure de disputer avec d’autres l’hégémonie d’une social-démocratie recentrée ? Ou, au contraire, en situation de dépendance et de plus ou moins grande marginalité ?
Quelles que soient les limites du choix d’un week-end, il laisse ouverte la porte entrouverte par le Front de gauche en 2008. La décision était attendue, le suspens entier. Si la gauche de gauche parvient à inverser la longue tendance à l’hégémonie amorcée naguère par le socialisme mitterrandien, nul doute qu’elle le devra aussi à l’engagement des communistes.
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