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Publié par Pour une vraie gauche à Lannion

5 MAI - PARIS-2

Je crois que nous tenons le bon bout dans notre camp. En déclarant « une date commune de mobilisation, pourquoi pas ? », le secrétaire général de la CGT offre une perspective de fédération des luttes et des forces en action contre la politique sociale de Macron. Elle est conforme à ce que nous croyons nécessaire depuis le début de l’action : permettre à toutes les composantes de la société, salariées ou pas, de se mobiliser aux côtés de ceux qui sont en première ligne dans la lutte actuelle. Bref, la fédération des luttes est en vue et la nouvelle union populaire qui l’exprime peut se concrétiser.

Ne l’oublions jamais. Ce qui se joue, c’est un bras de fer avec la nouvelle droite que construit Macron sur les décombres du PS et de la droite traditionnelle. Lui a pour projet de réussir « jusqu’au bout » ce que Sarkozy et Hollande avaient commencé : la mise aux normes libérales de la société française. Les gens sentent que c’est l’enjeu. Dans ce contexte, à l’heure actuelle, « La France insoumise » est la référence politique d’innombrables participants dans les luttes. Sans doute est-ce le cas de la majorité d’entre eux. Être cette référence nous oblige à réfléchir et agir dans un registre de responsabilité particulier. Nous ne pouvons limiter notre attention aux palabres « unitaires » des groupes et partis de l’ancienne gauche. Non seulement parce qu’elles sont totalement hors-sol mais surtout parce qu’elles proposent une formule d’union totalement inefficace et particulièrement restreinte. On a vu la capacité de mobilisation de telles formules avec le flop du meeting « unitaire » place de la République la veille du premier mai. Ce fut un mauvais coup porté à la mobilisation. Nous travaillons à autre chose. Mais avant d’en parler il faut rappeler les fondamentaux.

Le devoir du moment politique est de tout faire pour aider le mouvement social à atteindre ses objectifs, à la SNCF, dans la fonction publique, et partout où le bras de fer a lieu avec ce pouvoir macronien qui se voudrait thatchérien. Pour cela, il faut continuer à travailler pour garder l’opinion publique de notre côté, apporter du soutien matériel autant que possible, élargir sans cesse les milieux mobilisés et enraciner la volonté de combat. Il n’y a pas d’autres objectifs. La bataille n’est pas le moment des compétitions entre organisations ni dans le champ politique l’heure des manœuvres électorales en vue des européennes ou des municipales. Ce n’est pas non plus le moment des gesticulations. Chaque forme de mobilisation doit être pensée et organisée méthodiquement pour réussir. L’organisation de fiasco annoncé comme ce prétendu meeting unitaire de la place de la République le lundi veille du premier mai sont des erreurs qui coûtent cher au mouvement tout entier. Pas seulement aux organisateurs qui se ridiculisent ! Ils ont pourtant été prévenus cent fois du risque d’un rassemblement convoqué en quatre jours dont les orateurs et les rarissimes oratrices se désistent tous l’un après l’autre.

Il faut aussi déjouer les pièges du parti médiatique très actif depuis le début des conflits contre les grévistes. En effet ni « La République en marche » ni « Les Républicains » n’ont le moindre militant sur le terrain pour défendre la politique gouvernementale. Tout l’effort de combat contre les grévistes repose donc sur le « service public », premier militant du pouvoir, et sur les chaînes privées qui ne le sont pas pour rien. Celui-ci a traditionnellement deux arguments : la démoralisation (« le mouvement s’essouffle ») et l’exaltation de la division (entre les syndicats, entre les partis, entre les personnalités). Nous devons avoir tout cela à l’esprit pour réussir le 5 mai une belle marche de l’Opéra à la Bastille pour dire « stop Macron ».

J’ai décrit dans mon précédent post les enjeux de cette mobilisation. J’y reviens brièvement. La date du 5 mai prend sa place dans une série de mobilisations qui forment autant d’étapes dans la construction du rapport de forces en cours. Là encore l’objectif est de nourrir le soutien au mouvement social. Là encore, il s’agit de mettre en place un cadre aussi décloisonné que possible pour y parvenir. Des progrès considérables ont été faits. À l’initiative d’Attac et de la fondation Copernic, un cadre de travail commun national a été mis en place sur le même mode qu’à Marseille. Syndicats, associations et partis s’assoient à la même table. Cela ne veut pas dire qu’ils soient d’accord. Mais on se parle, au même moment, tous. Nous y voyons un résultat décisif auquel « la France insoumise » a pris sa part en choisissant de placer son action sous le pilotage de ce collectif.

Nous ne voulions pas répéter la situation de septembre dernier. Là le parti médiatique s’était régalé. Il nous opposait au mouvement syndical. Pendant ce temps la « petite union de la gauche » nous tirait à vue. Dans ce petit monde régnaient encore les jalousies d’une campagne électorale commencée par eux sous l’égide des « primaires de toute la gauche ». « La France insoumise » avait renversé cette table politique et conquis une estime populaire qui ne s’est jamais démentie depuis. C’est pourquoi dès le début de la bataille du rail et des services publics, le groupe parlementaire de la France insoumise s’est réuni avec les responsables du Mouvement. Comment faire vivre notre conception d’une force parlementaire un pied dans les institution un pied dans les luttes ? Comment se rendre utile ? Que proposer dans le registre qui est le nôtre, celui qui doit parler et proposer à toute la société ?  Le groupe a donc longuement réfléchi en plusieurs séances. Entre un appel direct du Mouvement et une formule « citoyenne » comme l’a défendue François Ruffin, nous avons été vite convaincus de suivre cette dernière idée.

Dès lors, nous avons décidé que cette marche ne nous « appartienne » pas. Elle s’appartient depuis son lancement à la bourse du travail à l’appel de François Ruffin, de Frédéric Lordon et de nombreux syndicalistes. Certes, nous l’avons voulue. Certes nous l’avons accompagnée et soutenue dès qu’elle a été amorcée. Bien sûr, les Insoumis y sont profondément insérés. Mais nous refusons d’en être l’image. Ce n’est pas le plus simple à faire quand on est cependant la première force matérielle et militante. Mais c’est un choix volontaire. Le but est de retirer tout prétexte à l’obstruction. Il est aussi un test. Nous allons voir ce que valent les diverses signatures. De notre côté, nous faisons ce qu’il faut pour être à la hauteur de la nôtre.

Réunie le 7 avril, l’assemblée représentative du mouvement « la France insoumise » a décidé de prendre en charge sa part de travail pour faire de cette date une réussite. Ses 5 000 comités se sont mis au travail, chacun à son rythme et avec son propre plan de marche. Un mois après, nous avons nos chiffres. Plus de cent cars, deux départs en train, 500 000 autocollants, des dizaines de milliers d’affiches, plus d’un million et demi de tracts. Et ainsi de suite. Nous ne ménageons pas nos moyens. Ni notre engagement militant. Les vacances de toutes les équipes ont été raccourcies pour que tout le monde soit à son poste de combat en dépit des ponts et autres congés traditionnels. Aucune autre organisation politique qui appelle au 5 mai ne met le dixième de cet effort dans le combat. Je le dis pour que tout le monde sache comment nous tenons nos engagements. Notre responsabilité est d’être exactement en phase avec les besoins de la mobilisation. La situation, notre taille, notre destin gouvernemental font que nous ne pouvons avoir aucun intérêt distinct de ceux du mouvement en général.

Le 5 mai doit être une réussite pour donner de la respiration au mouvement social en cours. Et aussi parce que c’est le moyen d’avancer sur le chemin de la nouvelle stratégie qui nous importe. C’est une façon de rappeler que nous construisons dans et par la mobilisation en cours les outils utiles aux combats. C’est pourquoi nous avons mené la bataille pour cette fameuse date commune et marche nationale. Ce qui se dessine ce n’est pas encore le raz de marée. On ne pourra l’envisager qu’avec une vraie fédération des efforts de toutes les composantes de la bataille actuelle. La dispersion actuelle ne le permet pas. Mais c’est aussi pourquoi nous avons voulu trouver une formule concrète pour répondre au besoin concret d’un rapport de force que la « France insoumise » ne peut ni construire ni incarner seule.

Cette formule est nécessairement politico sociale. C’est-à-dire qu’elle doit fédérer les forces disponibles et engagées dans les secteurs politique, syndical et associatif. Loin d’être une chimère de colloque savant, cette formule émerge d’ores et déjà. On l’a vu à Marseille. Ce n’est pas le fumeux cartel des partis de la petite gauche. Ce n’est pas la seule unité syndicale qui laisse aussi en dehors de l’action tous ceux qui ne sont pas salariés dans la jeunesse et les divers âges. Ce ne sont pas non plus les seules assemblées citoyennes qui le peuvent à cette étape. C’est la méthode Marseillaise qui, pour ce moment, représente le pas à accomplir.

D’ailleurs, ce premier mai, j’étais à Marseille. J’ai marché dans le carré de tête du défilé traditionnel. Ici la jonction entre l’action politique et l’action syndicale se fait naturellement et volontairement, sans les procès d’intention et les rivalités artificielles entretenues ailleurs. Donc ce qui se fait à Marseille n’en a que plus de portée. La méthode marseillaise a déjà montré ses fruits le 14 avril dernier. C’était alors une marche fédérée à l’appel des syndicats, en pleine coordination avec les organisations politiques qui se reconnaissaient dans le combat contre la politique de Macron sur les services publics. Nous fûmes nombreux et très divers. Très nombreux, très divers. Cet exemple a fait réfléchir. Nombreux sont les secteurs professionnels et les lieux où l’idée fait son chemin depuis. C’est un enjeu décisif que cette contagion de la méthode. Certes, elle ne résout pas le problème de la division syndicale. Mais elle règle celui du cloisonnement des forces politiques, associatives et syndicales. C’est notre objectif stratégique numéro un.  Et en ce sens, elle prépare l’avenir puisqu’elle facilite les jonctions de demain. Et qu’elle reste ouverte à tout moment à qui veut venir. Beaucoup, donc, travaillent dans ce sens partout en France.

La marche du 5 mai doit être la belle respiration qui permet de retrouver son souffle. Le moment de fraternité tranquille dont on a besoin pour cheminer d’un pas ferme sur de longues distances. Le moment de faire la seule chose qui compte : adresser un message clair à Macron et aux milieux économiques qui l’entourent. Celui de la détermination et de la volonté de ne rien céder. Car c’est le fil conducteur du moment : qui, de Macron ou des salariés en résistance, sortira plus fort ou plus faible de la lutte en cours ? Pas dans les commentaires des médias : on peut les écrire d’avance. Dans la conscience collective. Dans ce que le peuple pensera ensuite du futur qu’il se souhaite. Car notre objectif au plan politique n’est pas limité aux conséquences sociales du combat, si décisives qu’elles soient évidemment. Il est inscrit dans la durée et dans la perspective du changement complet de projet de société.

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