Usine de masque de Plaintel, Côtes d'Armor. La position des syndicats du 22
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COMMUNIQUE DE PRESSE
Relance de la production de masques de protection sanitaire près de St Brieuc
Les recettes éculées ne font pas de bons projets !
Combien de fois faudra-t-il que l’histoire se répète pour déciller les yeux de certains responsables politiques de la région ? Aujourd’hui, ils applaudissent très fort l’arrivée de l’investisseur libano-suisse Abdallah Chatila dans le projet de relance d’un site de production de masques et de vêtements de protection sanitaire dans l’agglomération briochine. Sont-ils amnésiques, inconscients ou tout simplement naïfs ?
En 2010, quand la multinationale américaine Honeywell a racheté l’usine Bacou-Dalloz, elle aussi promettait monts et merveilles. On a vu ce qui est advenu : le pompage à tous les étages de l’argent public pendant huit ans, puis la liquidation brutale et sans scrupule du site. Il y a moins longtemps, toujours en Bretagne à Carhaix, le même scénario c’est présenté avec l’entreprise Synutra. Un investisseur chinois est miraculeusement tombé du ciel. Aujourd’hui, il disparu avec le résultat financier que l’on sait.
Certes, M. Abdallah Chatila doit avoir plein de qualités quand il s’agit de jongler avec des capitaux sur les marchés financiers internationaux ou faire de l’optimisation fiscale. Nous n’en doutons pas. Mais est-il vraiment le mieux placé pour assurer notre sécurité sanitaire et défendre l’intérêt général sur notre territoire ?
Si Monsieur Chatila n’est certainement pas qu’un philanthrope. Il veut faire un investissement très rentable près de Saint-Brieuc et il a raison ! Le Gouvernement vient de prendre un arrêté qui garantit 30% de subvention pour tout projet industriel de relance de production d’équipement de protection sanitaire (1). Donc s’il investit vraiment comme il le dit 15 millions d’euros, il pourra toucher près de 5 millions d’euros d’argent public. Les banques regorgeant en ce moment de liquidités, depuis que la BCE a décidé de leur verser 750 milliards d’euros pour relancer l’économie.
Donc M. Chatila pourra bénéficier des 10 millions d’euros manquant sous forme de prêt bancaires à des taux d’intérêt proche de zéro. En vérité, M. Chatila n’aura aucun argent à avancer : l’argent public ou de l’argent prêté par la BCE devrait suffire. Il aurait tort de se gêner, surtout s’il obtient la caution morale d’élu.es de la région.
Cette affaire est fort éclairante sur le fonctionnement de notre société dominée par la finance sans frontière. Le plus étonnant est qu’une bonne affaire pour un investisseur privé devient impossible si les investisseurs son des collectivités publiques ou associatives. Cherchez l’erreur !
Depuis quelques semaines, le Conseil Régional a missionné l’ancien Secrétaire d’Etat à l’économie sociale et solidaire, M. Guy Hascoët, pour étudier la faisabilité d’une relance de la fabrication des masques et vêtements de protection sanitaire sous la forme d’une Coopérative d’intérêt Collectif (SCIC) Il devrait rendre son rapport très prochainement.
Pour l’intersyndicale CGT, FSU, Solidaires la création d’une coopérative reste, et de loin, l’option la plus adaptée à la situation de crise que nous connaissons aujourd’hui. En effet, la SCIC permet d’associer tous les acteurs du territoire régional et de la filière, en les impliquant dans un projet de relocalisation d’une production industrielle d’intérêt général. Elle permet également de contrôler au plus près l’utilisation les fonds publics investis. Le Conseil d’administration d’une SCIC peut comporter plusieurs collèges. Pour les salarié.es bien sûr, mais aussi pour les acteurs sanitaires et médico-sociaux, pour les clients, les collectivités locales et associations, tous intéressés au bon fonctionnement de la coopérative. De plus la SCIC combine deux avantages : le contrôle démocratique (élection des dirigeants) et la vertu économique (absence d’enrichissement privé). Toute la valeur ajoutée sera ainsi répartie entre les salariés et les destinataires des produits fabriqués. Dans une SCIC, il n’y a pas d’actionnaire à rémunérer.
Le monde qui émergera après la crise sanitaire ne peut repartir sur les bases du monde d’avant. Il nous faut collectivement imaginer d’autres modes de production et de développement. Les SCIC sont l’un des outils existants, qui nous permettront de sortir de la spirale mortifère dans laquelle nous entraine le capitalisme financier, mis au service des 1% de la population (notons M. Chatila fait partie des 300 personnes les plus fortunées de Suisse !)
L’intersyndicale réitère sa demande au Préfet des Côtes d’Armor de tenir, dans les jours qui viennent, une table ronde réunissant tous les acteurs concernés par le projet de relance d’un site de production de masques et de vêtements de protection sanitaire sur l’agglomération briochine : les ancien.es salarié.es de l’entreprise Honeywell, les organisations syndicales, les élus, les forces économiques et les investisseurs potentiels.
Par ailleurs, étant donné l’importance des enjeux de ce dossier pour notre région, l’intersyndicale CGT - FSU - Solidaires des Côtes d’Armor demande également, que le Conseil Economique, Social et Environnemental Régional de Bretagne (CESER) soit saisi afin qu’il donne un avis sur ce projet. Cet avis permettra ensuite aux élus du Conseil Régional, du Conseil Départemental et de la Communauté d’agglomération Armor Saint-Brieuc de prendre une décision en pleine connaissance de cause.
Saint Brieuc le 2 mai 2020.
Contacts presse : CGT : 06 08 03 62 84 - FSU : 02 96 33 05 90 - Solidaires : 06 80 95 85 17
(1) Réalisation d'unités de production de matériaux filtrants : Afin de renforcer encore les capacités de production, la Direction générale des entreprises du ministère de l'Economie et des Finances lance un appel à manifestation d'intérêt (AMI) pour la réalisation d'unités de production de matériaux filtrants pour masques de protection à usage médical et de protection respiratoire. Cet AMI vise à développer les lignes de productions de matières premières filtrantes qui permettent la confection de masques de protection (chirurgicaux, FFP1, FFP2 ou FFP3). Les projets retenus, après examen du dossier, feront l'objet d'un accompagnement afin de favoriser la réalisation de l'investissement. Les réponses recueillies permettront d'évaluer les conditions nécessaires à la création de ces unités de production et le cas échéant de définir des mécanismes de soutien à même d'assurer l'émergence d'un marché pérenne. Des subventions pouvant aller jusqu'à 30% du montant des investissements pourront notamment être accordées. Un soutien financier du ministère pouvant aller jusqu'à 40 M€ pour l'ensemble des projets retenus pourra être mis en œuvre après instruction. Le soutien à l'investissement ne pourra intervenir que pour des solutions démontrant leur capacité à produire de manière compétitive des matériaux filtrants pour des masques pouvant être certifiés aux normes chirurgicales ou FFP2/FFP3.
(2) Lien web pour accéder à la pétition « Sauvons des vies, fabriquons des masques » sur Change.org : http://chng.it/6csXjqmJ