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Publié par Pour une vraie gauche à Lannion

Le texte ci dessous provient du blog de Danielle Bleitrach, ancienne dirigeante du PCF. Il ne reflète que l'opinion d'un noyau courageux mais très minoritaire du P"C"F, resté communiste. Saint Quentin, Vénissieux, Saint Martin d'Hères, un noyau dans le XV° parisien.... et des camarades isolés ici ou là.

Le drapeau (avec les outils) n'est évidemment pas le drapeau officiel du P"C"F qui est une petite merde bobo soclale-démocrate! A l'image de ce parti de 'fils de" qui exploitent jusqu'à la corde la position construite par leurs pères pour la vendre au capital et à la CIA comme l'Humanité actuelle devenu un torchon qui répand les mensonges de l'OTAN, de Bruxelles.

L'exemple de ce qu'est devenu le PCF est donné par ce qui reste du PCF 22, supplétif des socialistes qui font la politique du gouvernement dans le département. Fermeture du collège de Corlay, suppression de postes et de subventions sociales par le conseil du département PS! Ne parlons pas de Lahellec, parfaite illustration du profiteur qui a vendu son parti contre une place lucrative au Sénat.

 

 

 

« Mon parti m’a rendu les couleurs de la France
Mon parti, mon parti, merci de tes leçons
Et depuis ce temps-là, tout me vient en chansons
La colère et la joie l’amour et la souffrance
Mon parti m’a rendu les couleurs de la France »

Du poète à son parti, La Diane Française, Louis Aragon, 1944

Contribution de Franck Marsal (Fédération de la Gironde) pour la conférence nationale du PCF.

Le Conseil National du Parti Communiste Français a décidé de lancer un grand débat au sein du parti. Trois questions sont posées : l’analyse électorale ; la lutte contre l’extrême-droite, les politiques capitalistes et les victoires révolutionnaires et enfin, l’organisation du parti.

Comme le note la résolution du CN elle-même, pour répondre à ces trois questions cruciales, on ne peut éviter de procéder à une analyse globale, et notamment, d’examiner les racines internationales de la crise. Le monde change. Plus précisément, il a déjà beaucoup changé. Il y a 50 ans, le monde connaissait sa croissance démographique la plus importante. Au plus fort de cette croissance, en 1967, le rythme était d’un doublement de la population du globe tous les 30 ans. Des 3 milliards d’habitants, atteints en 1961, nous sommes parvenus à 8 milliards en 2023. Cette population nouvelle, située dans les anciennes colonies et semi-colonies de l’occident s’est maintenant urbanisée, elle s’industrialise et s’éduque, malgré tous les obstacles que l’occident a mis sur sa route. Comptant des milliards d’actifs, salariés, ouvriers, employés, prolétaires donc, elle porte avec elle désormais des changements profonds de l’ordre du monde. Les pays du Sud, les BRICS, aspirent à changer les rapports mondiaux, et eux-mêmes changent rapidement sous l’effet d’une lutte de classes qui s’intensifie partout. Les classes opprimées, partout, innovent, expérimentent et cherchent des réponses, dans leur action et dans leur expérience historique. La France, par son histoire et sa géographie, est questionnée par ces changements. Pour les classes dominantes, c’est une nouvelle marginalisation avec la nostalgie de l’empire colonial. Pour les couches populaires, c’est l’opportunité de bâtir une nouvelle grande étape de modernisation, de changement social et de nouveaux liens internationaux. Nous devons nous en saisir à pleines mains.

C’est le sens de cette contribution, qui propose au parti de se situer dans une perspective globale pour tenter de répondre aux questions posées par le Conseil National. Elle a été déposée sur le site officiel des contributions du PCF et y sera donc prochainement publiée.

La crise internationale de l’impérialisme et l’escalade guerrière

1. La crise politique en France est le développement, dans les conditions spécifiques françaises, d’une profonde crise internationale. La crispation de Macron, qui s’accroche au pouvoir, est le pendant du refus obstiné de l’impérialisme états-unien de négocier l’arrêt de l’extension de l’OTAN vers la Russie, la création d’un Etat Palestinien ou le partage de la gouvernance internationale avec les pays du Sud. Le monde change et la réalité s’écarte des schémas dominants, du capitalisme, de l’impérialisme, des discriminations, sexistes, raciales. En réponse, les classes dominantes, les institutions bourgeoises confisquent le pouvoir et les richesses, réduisent les libertés, se font autoritaires et glissent de l’emprise vers la fascisation. Alors les crises, les guerres se développent.

2. Partout, l’impérialisme états-unien, ses alliés et vassaux poussent l’agenda guerrier, sans pour autant parvenir à dégager une issue favorable, une stratégie claire ou même une vision d’avenir à peu près stabilisée. Les politiques internationales des USA sont dans leur ensemble des politiques bi-partites menées autant par les démocrates que les républicains. Le néo-conservatisme, qui domine la politique étrangère états-unienne au moins depuis le début de siècle est d’ailleurs né du côté démocrate. Il a compté dans les deux camps des agents influents dictant la politique militaire et diplomatique des USA. Aujourd’hui, ce qui sépare Biden / Harris de Trump n’est pas le choix de poursuivre la guerre, mais la question de savoir où la mener en priorité.

3. En Ukraine, la guerre du Donbass, gelée par les accords de Minsk 1 et 2 (2014-2015), a repris de manière ouverte avec l’engagement direct et officiel de la Russie auprès des républiques séparatistes. Sans engager ouvertement ses propres forces, l’OTAN mène la guerre « jusqu’au dernier ukrainien », fournit armes, renseignement, forces spéciales, mercenaires et financement. L’objectif affiché est d’affaiblir la Russie et de continuer à s’étendre en intégrant prioritairement la Moldavie et la Géorgie (les prochaines élections dans ces deux pays diront si ces ambitions sont réalistes). L’affaiblissement constant de l’armée ukrainienne contraint le gouvernement de Kiev à mobiliser de force ses propres citoyens pour combler les pertes catastrophiques, souvent issues d’offensives inutiles et coûteuses, en vue d’alimenter les médias occidentaux. L’accélération du recul ukrainien place l’OTAN et l’UE devant deux options : reconnaître la défaite et accepter une paix négociée ou entrer en guerre ouvertement contre la Russie. La première option reviendrait à accepter une négociation dans des conditions bien plus défavorables pour l’Ukraine que celles de mars 2022, lorsque les dirigeants occidentaux (notamment le premier ministre britannique Boris Johnson) avait dissuadé le gouvernement ukrainien de signer les accords pour mettre fin à la guerre. Cela discréditerait l’occident (et tous les politiciens qui l’ont soutenu en Europe) pour longtemps. Cela conduirait l’UE et l’OTAN à une grave crise politique, menant peut-être à leur éclatement. La seconde option signifierait l’engagement officiel de centaines de milliers de soldats de l’OTAN dans le conflit et la quasi-certitude d’une guerre mondiale et nucléaire.

4. De son côté, Israël multiplie les provocations, les assassinats et les attaques, avec le soutien militaire, financier et industriel des USA et de l’occident. La guerre s’élargit au Liban et des échanges de bombardements ont lieu avec l’Iran et le Yémen. Nous sommes au seuil d’une vaste guerre régionale, avec là aussi, l’option nucléaire sur la table. Une année de destruction acharnée de toute infrastructure (hôpitaux, écoles, abris, habitations dans la bande de Gaza, des dizaines de milliers de morts n’ont pas permis à Israël de vaincre le Hamas. Israël a les moyens de détruire énormément ; il dispose de la supériorité technologique et aérienne et peut bombarder quasiment sans limites. Mais cela ne lui apporte pas la victoire et peu à peu, cette supériorité s’amenuise. Une longue guerre d’usure ne lui serait probablement pas favorable, conduisant là encore au risque d’escalade sans limite jusqu’à la guerre nucléaire.

5. En Mer de Chine, les USA exercent une pression considérable. D’un côté, ils tentent de rassembler une coalition et d’armer leurs alliés historiques, comme l’Australie ou le Japon (avec tous les risques que cela comporte pour la stabilité régionale). De l’autre, ils poussent des pays plus faibles comme Taïwan ou les Philippines à des provocations dangereuses. Vaincre la Chine et faire cesser l’alternative qu’elle représente pour la direction mondiale est le but ultime de Washington, sur lequel démocrates et républicains sont d’accord.

6. Plus le pouvoir impérialiste et capitaliste se durcit, plus il est, bien sûr, contesté (et plus il et contesté, plus il se durcit). Cette contestation est multiple, pleine de contradictions, à l’image des tensions que l’impérialisme développe partout. C’est pourquoi la situation politique ne cesse de se tendre. Le Parti Communiste doit se saisir et encourager les changements positifs dans le monde, l’égalité de traitement dans les instances internationales, un égal accès aux financements du FMI et de la Banque Mondiale et l’arrêt des guerres. Le « Sud » porte, sur les deux guerres en cours, un regard radicalement différent de celui des gouvernements occidentaux. L’intérêt des travailleurs et des classes populaires, des « prolétaires de tous pays », n’est pas à la guerre, qui ne profite qu’à une minorité d’exploiteurs. De nombreux travailleurs sentent et comprennent les dangers de cette politique. C’est pourquoi la propagande est menée avec autant de force. Beaucoup doutent des discours dominants, voire y sont opposés, mais peu s’expriment. Une voix forte et claire doit ouvrir la voie, pour engager une large mobilisation populaire contre les guerres. Seuls, les communistes, forts de leur expérience internationaliste et de leur analyse de classe sont en situation de le faire. Seule cette parole forte, dans une campagne structurée et de long terme peut permettre, progressivement, aux masses de prendre confiance et d’entrer en mouvement.

Conformément à ses décisions de congrès, le PCF doit, sans tarder, prendre l’initiative d’une campagne nationale pour la paix, basée notamment sur :


1. L’exigence d’un cessez-le-feu sans conditions, tant en Ukraine qu’au Proche–Orient
2. L’arrêt des livraisons d’armes aux pays belligérants,
3. L’exigence de négociations sans conditions et sous contrôle de l’ONU,
4. Des actions de solidarité internationaliste non pas avec les gouvernements pro-capitalistes, mais avec les peuples, grâce au relais des partis communistes sur place,
5. La reconnaissance de l’État Palestinien pleinement souverain et entier, dans les frontières de 1967 avec Jérusalem-Est pour capitale,
6. La sortie de la France de l’OTAN.


Cette campagne doit viser à la création de comités nationaux et locaux, s’appuyer sur une vigoureuse explication menée par le parti, sous forme de tracts, de brochures, d’interventions de nos élus et dans notre presse, des pétitions, rassemblements et actions symboliques. Elle est à envisager dans la durée, s’appuyer sur les acquis solidaires des rencontres internationales des Partis Ouvriers et Communistes qui existent depuis 1988. Dans cette campagne, le PCF doit viser l’unité la plus large du mouvement anti-guerre, et la transformation de ce mouvement en mouvement de masse. L’enjeu de la guerre et les menaces de la politique internationale sont clairement perçues par les masses en France. Leur compréhension correcte est un enjeu clé pour la construction du parti.

Les racines économiques de la crise capitaliste

1. Le PCF a parfaitement décrit dès les années 1970 la crise du capitalisme comme une crise de suraccumulation de capital et de baisse tendancielle du taux de profit. Il a analysé avec justesse la politique néo-libérale / néo-coloniale comme la dernière tentative de conjurer cette crise en attaquant violemment les travailleurs et les pays en voie de développement, en déréglementant et financiarisant l’économie. Cette politique a été menée internationalement. Les USA ont été érigés en un impérialisme globalisé, prétendant diriger le monde et éliminant par tout moyen nécessaire chaque obstacle sur cette route.

2. Ces politiques se sont effondrées lors de la crise de 2008. Pour la première fois depuis la seconde guerre mondiale, la crise capitaliste a massivement touché l’économie des USA, qui s’est trouvée au bord d’une faillite totale. Les USA et l’UE ont tenté de sauver la situation par l’injection de quantités gigantesques de monnaie dans le système. Ce faisant, le capitalisme a renié ses propres principes. Les diverses tentatives pour retirer ce soutien monétaire se sont globalement soldées par des échecs. Depuis, le cours de l’or ne cesse de progresser, indiquant par contraste l’affaiblissement réel de la monnaie dominante, centre du système financier impérialiste, le dollar. En 2007, avant la grande crise financière, l’once d’or valait environ 700 US dollars. Aujourd’hui, elle vaut plus de 2600 US dollars. Cela signifie que le dollar états-unien a perdu presque les 3/4 de son pouvoir d’achat par rapport à l’or. Cette crise n’est donc toujours pas résolue et continue à alimenter les grands changements mondiaux.

3. Symétriquement cette crise a révélé le rôle stabilisateur crucial de la Chine dans le système économique et financier mondial, ce qui fut un tournant dans les rapports mondiaux. Face au risque de faillite du système dominant, la Chine a eu à la fois les moyens et la responsabilité de construire une alternative. L’ascension de la Chine, la constitution des BRICS, les avancées du projet des Nouvelles Routes de la Soie ont ouvert un monde nouveau, dans lequel la domination occidentale n’allait plus de soi. Les pays du Sud s’expriment, ils s’organisent par eux-mêmes. L’impérialisme, son centre états-unien, mais aussi les classes dirigeantes des principaux alliés / vassaux, notamment en Europe ont peur. Ils veulent garder le pouvoir. Ils n’ont de cesse d’entraîner toujours plus le monde vers la guerre, la fascisation et le chaos dans l’espoir de prolonger leurs privilèges.

4. Cette crise atteint désormais le seuil où la puissance dominante dévore désormais ses proches alliés et les jette dans le feu. Ayant d’elle-même refusé l’accès au gaz russe bon marché, l’Allemagne entre à son tour dans la crise et perd ses industries emblématiques. Son système politique est aussi gagné par la crise. A ce stade, ce qui paraissait intangible hier (la démocratie, les constitutions, les états, les frontières, ou des institutions comme l’UE…) peut être remis en cause du jour au lendemain. Les classes dominantes se donnent tous les droits : assassiner des civils, des dirigeants politiques, bombarder sans fin des habitations et des écoles, prendre l’argent de pays tiers déposé dans leurs banques etc. Le Liban « souverain » est traité exactement comme Gaza, massivement bombardé, sans qu’aucun gouvernement occidental ne vienne défendre « la souveraineté » et « l’intégrité territoriale » de cet état. En tant que marxistes, nous ne sommes pas surpris par cela, pas surpris par exemple du « coup d’état constitutionnel » de Macron. Nous savons que la classe dominante ne lâche jamais le pouvoir avant d’avoir épuisé tous les moyens, légaux et illégaux pour le conserver.

La spécificité de la crise française et ses origines

1. Après la décennie de crise des années 30 et la catastrophe de 1940, le Conseil National de la Résistance (CNR) et le Gouvernement Provisoire avaient posé les bases d’une puissante modernisation de la France sur tous les plans. Craignant d’y perdre son pouvoir, le capitalisme financier français a choisi dès 1946-1947 de se protéger de l’influence du PCF en s’abritant sous le parapluie états-unien. Dès 1947-1948, la reprise en main du pays était assurée par l’éviction des ministres communistes, la dissolution des compagnies de CRS réputées proches du PCF, l’intervention de l’armée pour casser la grève des mineurs et la scission de la CGT. Le prix de cette protection pour la France fut une perte graduelle de sa souveraineté et de l’élan de modernisation. La France était arrimée au bloc pro-américain, avec l’adhésion à l’OTAN (1949) et à la CECA (ancêtre de l’UE, 1951). Elle fut aussi placée seconde dans les schémas de reconstruction avec la priorité donnée à l’industrie allemande.

2. La France a payé cher cette politique. Pendant que les capitalistes internationalisaient leurs capitaux, le tissu industriel français était peu à peu dilapidé. Pour s’internationaliser, le capital français avait besoin d’une monnaie forte sur les marchés internationaux, d’investir à l’étranger et d’un taux de profit élevé. La politique du « franc fort » puis de l’arrimage monétaire à l’euro a été la priorité. Dès les années 70, l’intégration du capital français comme une branche internationalisée du capital états-unien s’est accélérée, pilotée par la CEE devenue Union Européenne. Dès la fin des années 1990, le taux de capitaux étrangers (majoritairement états-uniens) dans l’actionnariat des groupes du CAC 40 a dépassé les 40 %. La constitution de groupes capitalistes internationaux s’est appuyée sur les privatisations massives d’entreprises nationales qui jouaient un rôle moteur dans l’innovation et le développement industriel. La rentabilité a été obtenue au prix de baisses d’impôts et de cotisations massives, menant à la destruction des services publics, à l’endettement de l’état.

3. Cette politique a détruit une large part du tissu industriel, économique et social français. La politique du franc fort et de l’euro a placé une large part de l’industrie nationale en situation de concurrence faussée, aggravée par la libéralisation des échanges et le sous-investissement. La volonté d’internationalisation du capital a aspiré une quantité massive d’investissements vers l’étranger, au détriment de la modernisation nécessaire de l’outil industriel. Les privatisations massives, nécessaires pour constituer des grands groupes internationaux à forte rentabilité ont cassé la colonne vertébrale du développement technologique en France. Les baisses d’impôts et la casse des services publics ont fragilisé le tissu social. Ces choix ont engendré une longue et profonde crise sociale : croissance des inégalités, enrichissement d’une toute petite classe de milliardaires dominant la presse et la vie politique, réapparition et généralisation de la misère, sous-emploi massif …

4. Les travailleurs français ont résisté à chaque étape. C’est aussi la spécificité de la situation française. Une lutte syndicale acharnée, des mouvements puissants ont marqué les 40 dernières années. Cette résistance a été affaiblie, mais pas détruite. La France dispose encore des atouts pour un nouveau cycle de modernisation : une population qui reste plus jeune que la moyenne du reste de l’Europe, un niveau scientifique élevé, la maîtrise des industries les plus exigeantes (nucléaire, aéronautique, spatial notamment), une agriculture qui pourrait encore assurer sa souveraineté alimentaire. La France peut ouvrir une nouvelle phase de son histoire. Cela suppose de ne plus seulement engager la lutte contre les conséquences de la politique menée, mais de lui opposer une alternative globale et de créer les conditions de réalisation de cette alternative, sans compromis.

La condition de souveraineté

1. Le développement de la crise internationale du capital et de l’impérialisme accélère la vassalisation de la France (et d’autres pays), sans égard pour les choix démocratiques des peuples. Cela a été démontré de manière flagrante après le rejet par le peuple français du Traité Constitutionnel Européen en 2005, traité qui a été finalement imposé au peuple sous une forme à peine déguisée en 2007 (Traité de Lisbonne). La présence à la tête du pays de politiciens comme Macron ou Sarkozy, acquis à l’élite impérialiste états-unienne, en est une autre clé. L’implication des USA, de leurs agences, de fondations allemandes, dans la sélection et la formation des dirigeants politiques, des journalistes, dans les financements de projets de recherche est un des leviers privant le peuple de France de la maîtrise de son destin.

2. Le système de contrainte qui pèse sur les choix politiques de la France est énorme. Il est basé notamment sur les deux institutions internationales clé, l’UE et l’OTAN, ainsi que sur l’usage des pouvoirs directs du secteur financier. Son usage, comme la crise grecque l’a montré, est politiquement orienté. Tous les pays qui ne respectent pas le « Pacte de stabilité » ne sont pas traités également. L’Otan organise la dépendance des armées françaises à un certain nombre de compétences clés détenues par les USA. Pour la France, la souveraineté, c’est le droit de voter la guerre ou pas, de décider par elle-même ou de s’aligner automatiquement sur les décisions de guerre prises à Washington. La capacité de la France à se défendre de manière autonome est limitée par l’insertion dans l’OTAN (dont elle a réintégré en 2007 le commandement militaire intégré) qui détient des moyens stratégiques. L’UE constitue la pierre angulaire juridique. Elle est un corpus libéral contraignant, comprenant le traité, les traités secondaires, et des milliers de directives et de règlements bloquant toute politique contre les intérêts du capital, en particulier la possibilité pour l’état de se saisir des moyens de production. La dette de l’état, nécessite, elle, un refinancement permanent et cela place l’état en dépendance vis à vis des banques. Le fond états-unien BlackRock est ainsi devenu un des premiers prêteurs à l’état français. Selon un rapport de juin 2024 de l’Assemblée Nationale, les Obligations du Trésors, qui représentent 91 % de la dette de la France, sont détenues à 51 % par des non-résidents.

3. On ne peut rien changer aux choix politiques sans rétablir la souveraineté de la France. Le rôle du parti communiste est de porter ce combat, sans en cacher la difficulté. La souveraineté implique la sortie de l’OTAN, la sortie de l’UE et l’acquisition d’une réelle indépendance financière. Même après l’arrivée d’un gouvernement favorable aux classes populaires, il faudra plusieurs années de développement, de batailles, de nouveaux traités de partenariats, probablement avec de nouveaux pays. Les travaux des BRICS, création d’un système bancaire et de paiement hors du monopole états-unien est une formidable opportunité. C’est précisément parce que cette bataille est à la fois fondamentale, longue et difficile qu’elle ne peut être différée. Le parti doit adopter, le plus rapidement possible, des décisions claires pour la souveraineté et les principaux actes nécessaires pour y parvenir : sortir de l’UE, sortir de l’OTAN, sortir de la dépendance aux marchés financiers.

4. La position du PCF « sortir des traités » n’a pas eu l’écho nécessaire dans la récente campagne des européennes. Elle n’est pas perçue comme une rupture crédible. Le peuple français a encore en mémoire le « Non » au Traité Constitutionnel Européen et le déni de ce vote par le Traité de Lisbonne. Elle ne prend pas en compte non plus la dérive institutionnelle de l’UE vers un super-gouvernement européen, profitant de chaque crise pour accroître ses pouvoirs et son budget, s’arrimant de manière ouverte à l’OTAN et s’affranchissant du cadre du traité, comme avec le budget de guerre illégal appelé « Facilité Européenne pour la Paix ». « Sortir du traité » est un flou artistique. L’UE est juridiquement fondée par le traité. On ne peut donc pas « sortir des traités » sans sortir de l’UE. Renégocier le traité (ce qui n’est pas exactement « sortir du traité »), exige l’unanimité des états-membres pour cela, c’est donc au mieux très hypothétique, sinon de la pensée magique. La seule possibilité réelle est donc de sortir de l’UE, ce qui fait que le traité ne s’applique plus en France. Ensuite, on peut négocier de nouveaux traités, avec les pays qui sont disposés à le faire, voire avec l’UE dans son ensemble, comme l’a fait le Royaume-Uni.

Le PCF doit réviser ses conceptions sur l’UE et la souveraineté nationale, et proposer au peuple de France un projet clair et concret de lutte pour le rétablissement de la souveraineté démocratique nationale ; sur la préparation d’un nouveau cadre de coopération internationale gagnant-gagnant en direction des pays du Sud et des Brics.

La souveraineté économique, c’est la transition vers le socialisme

1. La souveraineté ne règle seule aucun problème économique ni social. Elle n’est qu’une coquille vide si elle se limite à une souveraineté juridique et politique. Seul le développement économique et social donne une base réelle à la souveraineté. Par exemple, dans la cas de la France, des sources d’énergie complètes et durables sont indispensables, en particulier le développement aux stades supérieurs (sur-génération et au-delà) de la filière nucléaire.

2. Inversement, il n’y a pas, dans les conditions actuelles de l’impérialisme, de développement économique et social sans souveraineté. La souveraineté juridique est la condition nécessaire pour amorcer une politique nouvelle, une politique de transition. Le maintien de la domination implique à l’inverse d’empêcher le développement économique et social de franchir les seuils critiques. Par exemple, la France était pionnière pour l’énergie nucléaire, nécessaire à son autonomie énergétique. Rappelons le rôle essentiel du prix Nobel communiste Frédéric Joliot-Curie, fondateur du Commissariat à l’Énergie Atomique en 1945. L’Allemagne et les USA ont constamment essayé de freiner ce développement vers l’autonomie. On le voit encore récemment à travers la fermeture de Fessenheim (sur fortes pressions de l’Allemagne) ou la vente forcée d’Alstom Energie (notamment des turbines Arabelle des centrales nucléaires) à General Electric en 2014.

3. La modernisation, par les capitalistes français, de l’outil industriel est largement insuffisante pour assurer le développement économique et social dont la France a besoin. Au lieu d’investir dans notre industrie, les grands groupes capitalistes ont choisi de délocaliser pour augmenter leur profits. Ils ont abandonné des pans entiers de l’industrie, de la recherche et développement et souvent laissé les startup prometteuses être accaparées par des firmes étrangères. Même notre agriculture est mise en difficulté par la domination des grands groupes capitalistes de l’agro-alimentaire et de la grande distribution.

4. Le développement social n’est pas non plus réalisé, au contraire : la sécurité sociale, mise en place en 1945 et portée là encore par un ministre communiste, Ambroise Croizat, est peu à peu détruite. Les services publics et les infrastructures subissent les coupes budgétaires et se dégradent. La pauvreté et le mal-logement se répandent. La situation de nombreux enfants est catastrophique, sans que les services publics compétents aient les moyens d’y répondre.

5. La position réformiste sur ces questions, celle des divers gouvernements de gauche des 40 dernières années, est de compenser les excès et les faiblesses du capitalisme par des normes et par des subventions. Cela n’a permis en rien d’inverser la politique suivie.

6. Le PCF a fait un travail tout à fait remarquable concernant la transition « climat » de l’économie française. Il a établi le plan « Empreinte 2050 » qui examine tous les aspects de la transformation nécessaire de l’économie française pour répondre aux enjeux climatiques. Pour la France, qui ne produit que très peu de pétrole et de gaz, c’est aussi un enjeu de souveraineté. Ce plan « Empreinte 2050 » démontre « qu’il est possible d’arriver à sortir des énergies fossiles en 2050, tout en proposant des Jours Heureux aux Français, avec une amélioration des conditions de vie d’une grande majorité de la population. Il prend pour hypothèse que toutes et tous auront accès aux vacances, au droit à la mobilité (…) que toutes et tous seront bien logées, bien chauffés, dans des maisons ou appartements assez grands (…) que toutes et tous auront accès à une alimentation de qualité. »

7. Pour atteindre cet objectif, le Plan « Empreinte 2050 » prévoit une nouvelle industrialisation (notamment pour réduire les émissions de gaz à effet de serre qui viennent par nos importations de marchandises) et à des investissements majeurs. Les investissements prévoient notamment la construction de 20 réacteurs nucléaires de type EPR et 12 de type SMR. Cela permettra de doubler la production électrique et de substituer massivement cette énergie à celle extraite du pétrole et du gaz. Il est prévu de multiplier par 2,6 la part modale du trafic ferroviaire de passagers et par 2,5 celle du fret. Cela nécessite 10 milliards d’investissements supplémentaires dans le rail chaque année. Au total, le plan prévoit 183 milliards d’euros par an d’investissements supplémentaires, financés notamment par une lutte sévère contre la fraude et l’évasion fiscale et la fin des exonérations de cotisations sociales. C’est près de 30 % d’augmentation de l’investissement en France.

8. Le plan a été élaboré avec la participation de travailleurs des secteurs concernés. Il prend pour base que seul l’engagement massif des travailleurs de tous les secteurs permettra de réaliser l’ambition fixée. Il prévoit donc de donner des droits nouveaux aux travailleurs des entreprises, pour leur permettre d’intervenir directement, à tous les niveaux, dans la gestion de celles-ci. Il prévoit (conformément aux propositions du PCF) la fin du chômage et la mise en place d’une sécurité sociale emploi-formation, garantissant à chacun, un travail ou une formation. Il prévoit également la réduction réelle du temps de travail.

9. Surtout, le plan prévoit la création d’une planification globale et développée de l’économie, centrée sur les services à assurer à la société et s’appuyant sur quatre outils principaux :
1. la propriété publique : monopoles de réseaux, entreprises stratégiques et entreprises nécessaires mais non rentables ;
2. Une part publique croissante de l’investissement et du financement (fonds publics) ;
3. Contrôle du financement bancaire via des critères écologiques et sociaux ;
4. La commande publique des grands opérateurs de services publics.

10. Ce plan transforme radicalement la structure capitaliste de la société française. Il nécessite de reprendre le pouvoir économique, le pouvoir sur les investissements, le pouvoir sur le « marché du travail », le pouvoir sur les relations de travail au sein des entreprises et la gestion de celles-ci, le pouvoir sur la planification. En fait, il nécessite de reprendre le pouvoir politique. Ce plan est un plan de transition vers une société qui a dépassé le stade capitaliste, pas encore une société communiste au sens de Marx, mais une société de type socialiste. C’est « l’avenir du mouvement présent » .

Le pouvoir d’agir collectif

1. La question du socialisme n’est pas seulement une question théorique fondamentale. Elle est une question pratique dans l’action de masse dans les périodes de crises comme celle que nous vivons actuellement. Comme l’expliquaient Marx et Engels, dans le Manifeste du Parti Communiste, dans leur luttes « parfois les ouvriers triomphent, mais c’est un triomphe éphémère. Le résultat véritable de leur lutte est moins le succès immédiat que l’union grandissante des travailleurs. » Depuis, l’organisation des travailleurs a beaucoup progressé, organisés en parti politique, ils sont devenus une force sociale. Organisés en partis communistes nationaux, ils ont changé le monde, créé le premier état socialiste de l’histoire, puis le second et quelques autres, vaincu le nazisme, combattu et liquidé le système colonial et modernisé tous les pans de nos vieilles sociétés. Tous ces combats, les travailleurs, les communistes, les ont menés dans la perspective du renversement du capitalisme et de l’établissement « à portée de main » de sociétés socialistes. Le rejet du capitalisme s’équilibrait dans l’aspiration au socialisme et l’action concrète était la médiation entre ce présent et ce futur, chacun également concrets. La tension permanente vers le but socialiste, la recherche exigeante de la cohérence entre l’action et l’objectif, la critique sans compromis du présent ont fait toute la différence entre le courant réformiste et le courant communiste. Le pouvoir d’agir collectif est indissociable de l’objectif concret qui guide l’action.


2. Le projet d’une France souveraine, dans laquelle les classes travailleuses reprennent en main leur destin, pour établir une société développée, durable, une vie digne pour chacun, dans une harmonie avec la nature et l’environnement est l’intérêt manifeste d’une très large partie de la population française. Mais il suscitera l’opposition radicale de l’impérialisme et des classes actuellement dominantes en France, le grand capital monopoliste, les grands groupes, les hauts fonctionnaires bourgeois…. Ces classes détiennent aujourd’hui le povoir d’état, le pouvoir idéologique par le contrôle de la presse et de l’industrie culturelle et leo pouvoir des institutions internationales de contrôle ( UE, OTAN, FMI, Banque Mondiale, OMC …) et le pouvoir qui découle de leur position et de leur solidarité de classe, dans la société civile et dans l’organisation de l’état. Mélenchon peut vociférer qu’il n’y a rien au dessus de la souveraineté du peuple, nous savons, nous, marxistes, qu’il y a au contraire la puissante organisation sociale de la classe dominante et de son état. Ce pouvoir est matérialisé dans la constitution de la 5ème république, dans les ressorts policiers, médiatiques, judiciaires de la domination de classe, dans l’organisation militaire de l’OTAN, garant du capitalisme français, et dans de multiples leviers secondaires. C’est pourquoi il ne suffit pas de gagner une élection pour prendre le pouvoir à la classe dominante.


3. Par trois fois, la différence entre « gagner les élections » et « détenir le pouvoir » a été manifestée de manière visible et assumée par la classe dominante et l’impérialisme. La première fois, ce fut après le rejet par référendum du Traité Constitutionnel Européen en 2005. La classe dominante a bafoué la décision populaire et imposé le Traité, simplement rebaptisé « Traité de Lisbonne » par la voie parlementaire. La seconde, ce fut la crise grecque, lorsque le peuple grec avait rejeté la mise sous tutelle de son pays par la sinistre Troïka, d’abord en établissant le gouvernement de Syriza puis en rejetant par référendum les propositions de cette Troïka. Le premier ministre grec de Syriza a alors été convoqué et la plan d’austérité de la Troïka a été appliqué sans délai. Récemment, le choix de Macron de ne pas nommer un premier ministre du NFP confirme cet état de fait. C’est une rupture des usages et le maintien au pouvoir d’une politique massivement rejetée par les français. L’intérêt de classe de la bourgeoisie est au dessus de toute autre considération.


4. Plus la crise du capitalisme s’approfondit, plus les contradictions de classe s’aiguisent. C’est pourquoi le capitalisme ne trouve que difficilement des majorités bienveillantes, des politiciens assez habiles pour recueillir l’assentiment populaire lors des élections puis mener une politique qui va à l’encontre de l’intérêt des masses. C’est pourquoi l’appareil d’état est constamment renforcé. Les classes dirigeantes préparent aussi depuis longtemps des forces démagogiques et autoritaires, capables d’attaquer directement le peuple, le fascisme.


5. Face à cette politique, une seule issue est possible : la lutte unie et déterminée des classes exploitées pour briser le pouvoir de la classe dominante et prendre entre leurs mains, directement le pouvoir. Lutte longue, difficile, mais à laquelle l’échec des diverses tentatives réformistes, pour « améliorer la situation des travailleurs », nous ramènent inlassablement.


6. Le PCF doit garder cette ligne de crête. Accompagner et soutenir sincèrement toutes les mobilisations, toutes les tentatives de changer, d’améliorer le capitalisme, et s’appuyer sur elles pour expliquer la nécessité d’une unité plus forte, plus consciente et plus déterminée pour briser le plafond de verre du pouvoir capitaliste. C’est ce qui nous différencie de la « gauche ». « Les communistes combattent pour les intérêts et les buts immédiats de la classe ouvrière ; mais dans le mouvement présent, ils défendent et représentent en même temps l’avenir du mouvement. » (K. Marx, F. Engels, Manifeste du Parti Communiste).

D’où vient la “gauche” actuelle et que représente-t-elle réellement ?

1. La gauche française des 50 dernières années s’est construite dans le projet Mitterrandien d’une gauche “de gouvernement” ( acceptable par le grand capital et l’impérialisme), à majorité socialiste, avec l’objectif de marginaliser progressivement l’influence ouvrière et communiste en France. Mitterrand pensait que la stabilisation du capitalisme sous la conduite des USA rendait improbable toute perspective de changement social fondamental en Europe occidentale pour plusieurs générations. Il en concluait qu’un projet de « réforme » du capitalisme redevenait attractif. Ce projet rencontra un large succès dans les années 70, avec la signature du Programme Commun en 1972, et 80, avec l’espoir de “changer la vie” à défaut de “changer de société”.

2. Mais, la nécessité d’appliquer les potions amères de la dérégulation se révéla très vite inacceptable pour une part croissante des “classes moyennes” dans laquelle la gauche mitterrandienne avait établi sa base électorale. La situation politique de la France est marquée de ce paradoxe : d’un coté le succès du réformisme qui a marginalisé l’influence communiste, d’un autre côté la crise de ce réformisme qui ne cesse de se trahir lui-même.

3. Une fois au gouvernement, la « gauche » réformiste a dû appliquer la politique néo-libérale selon les orientations décidées à Washington. Ce fut le tournant de la rigueur en 1983. Cette politique a massivement frappé l’influence communiste et les organisations de classe : les usines sidérurgiques et métallurgiques, les mines, les chantiers navals, les arsenaux, le fret ferroviaire, une très large partie des bases sociales du PCF ont été purement et simplement fermées. Dans les entreprises qui n’ont pas fermées, des milliers de militants, de syndicalistes ont été licenciés. Les filialisations multiples, la sous-traitance ont précarisé et isolé les travailleurs,.

4. Sociologiquement, cette bascule de la gauche sous la domination du réformisme résulte donc aussi de l’évolution du système productif français. D’un côté, la classe ouvrière industrielle la mieux organisée a été détruite par la disparition, la délocalisation ou la modernisation de son outil de production. D’un autre côté, une large couche intermédiaire de fonctionnaires, de techniciens, d’employés divers, d’ingénieurs ont émergé et furent durant une ou deux générations partiellement protégés de l’exploitation capitaliste.

5. La crise du système impérialiste mondialisé et l’accélération libérale mondiale, dès les années 80 et 90 ont fait voler en éclat cette politique. La gauche est devenue un pilier de la politique néo-libérale, exact inverse de ce qui avait été promis. Après la classe ouvrière industrielle, ce furent les classes intermédiaires et moyennes, bastion de la social-démocratie qui subirent progressivement la précarisation, la baisse du niveau de vie. Les nouvelles générations ont grandi dans des conditions sociales radicalement différentes et dégradées par rapport à celles de leurs parents. La social-démocratie, non seulement en France et en l’Europe de l’ouest, est entrée dans une longue phase de déclin, de crises et de scissions.

6. Le soutien à la « gauche » s’est rétréci de manière inexorable. Cependant, il n’existait pas d’alternative politique réellement formulée à la politique menée. Le mécontentement produit avant tout le rejet du gouvernement sortant, celui qui le dernier a appliqué un peu plus loin que précédemment la politique libérale. Entre 1981 et 2022, soit environ 40 ans, la “gauche” a été au gouvernement quatre fois : 1981 à 1986, 1988 à 1993, 1997 à 2002 et 2012 à 2017. soit exactement 20 ans, la moitié de la période considérée. A chaque fois, la gauche, qui a critiqué plus ou moins mollement la politique libérale lorsqu’elle était menée par la droite, l’a reprise plus ou moins à son compte, transposant les directives européennes de libéralisation des services publics, privatisant, réduisant les droits sociaux, poursuivant les délocalisations, la désindustrialisation et les abandons de souveraineté. Jamais la gauche n’a su réellement revenir en arrière, ni prendre une orientation radicalement différente.

7. Le développement du “Front National / Rassemblement National” a permis d’absorber le mécontentement généré par les politiques libérales en le dévoyant vers le terrain du racisme, du populisme, de la démagogie et du fascisme rampant. Notre secrétaire national Fabien Roussel a très justement évoqué les derniers résultats électoraux comme l’expression d’une profonde colère, balayant tout sur son passage. Cette colère vise bien sûr en premier lieu la politique de Macron, avatar dégénéré et prétentieux des politiques menées depuis 40 ans. Mais cette colère vise aussi largement la “gauche”, que les classes populaires considèrent comme responsable de la situation. Ils la jugent incapable d’en prendre la mesure et de formuler une perspective claire, engluée dans l’éternel recommencement de l’espoir facilement vendu et aussi facilement déçu. A ce titre, le FN / RN est le résultat direct de l’échec du réformisme dans les conditions de la crise de l’impérialisme. Il est aussi la carte que prépare la classe dominante. La base électorale se réduisant à peau de chagrin, le RN / FN se prépare pour prendre le relais.

8. La politique promue par le RN est l’aboutissement ultime, la dernière bouée de sauvetage de cette stratégie de survie des classes dominantes. La crise du Macronisme ouvre la possibilité que la grande bourgeoisie française se saisisse de cette carte pour maintenir sa domination. Le parti doit se préparer et préparer les militants progressistes et ouvriers, dans le travail syndical, dans le travail de masse à affronter le RN. Il ne s’agira plus seulement de « lutter contre l’extrême-droite » mais de la vaincre.

Un point cardinal : le prolétariat

1. La logique floue et réformiste « gauche / droite » ne permet pas de résoudre les défis auxquel est confronté le peuple de France. Elle divise plus qu’elle n’unit, et elle masque les véritables enjeux. L’immense majorité de la nation française, du large et divers peuple de France est victime de l’exploitation d’une minorité de capitalistes. Le fait qu’un ouvrier s’identifie à la « droite », par tradition familiale ou incompréhension de son intérêt de classe, qu’il ait des idées réactionnaires (par exemple religieuses) ne fait pas de lui un exploiteur. Il est nécessaire de rétablir une analyse de classe et de formuler des perspectives adaptées à la France du XXIème siècle, qui n’a plus la même structure sociale que celle du XXème. La révolution informationnelle et cybernétique, l’automatisation et la mécanisation poussée ont chamboulé l’organisation des processus productifs. La production automatisée en grande série s’est élargie, en même temps que se complexifiaient les chaînes de productions et chaînes logistiques, parfois à l’échelle internationale.

2. Néanmoins, le prolétariat existe encore et est largement majoritaire en France. Si le terme « prolétaire » n’est plus guère utilisé dans la discussion politique, son diminutif populaire « prolo » reste parfaitement compris et utilisé. Il reste conforme à la définition de Marx, de celui qui, pour subvenir à ses besoins, doit vendre sa force de travail. Selon l’INSEE, le salaire mensuel net moyen en équivalent temps plein en 2022 dans le secteur privé était de 1880 € pour les employés, 1940 € pour les ouvriers et 2550 € pour les professions intermédiaires. Toujours selon l’INSEE, ces trois catégories représentent respectivement 25,1 % , 18, 6 % et 25, 2 % des emplois en France, soit 69,9 % au total. Dans le secteur public, les catégories sont plus grossières (catégorie C, B et A des fonctionnaires) mais on peut faire un certain nombre de relations : Le salaire mensuel moyen net des fonctionnaires est de 1950 € en catégorie C et de 2540 € en catégorie B. Selon le ministère de la Fonction Publique, les fonctionnaires de catégorie C représentent 42 % du nombre total de fonctionnaires, et ceux de catégorie B, 20 % soit 62 % pour ces deux catégories. Le prolétariat ne représente donc certainement pas 99 % de la population, comme nous allons le confirmer en étudiant les classes supérieures.

3. Selon l’observatoire des inégalités, il y a en France 4,5 millions de « riches » par le revenu, c’est à dire gagnant plus de 3673 € pour une personne seule ou plus de 7700 € pour une famille avec deux enfants. Cela représente 7,1 % de la population ; Si l’on considère le point de vue du patrimoine, 4,5 millions de français possèdent plus du triple du patrimoine médian, soit 531 000 € par ménage. Cela représente 16 % des français. Le haut revenu est souvent lié au diplôme, qui constitue de plus en plus une sorte de capital immatériel. Les, réformes récentes tendent à le réserver aux descendants des classes sociales supérieures et les écoles privées en font leur miel. Le revenu élevé permet de constituer un capital et donc de commencer à sortir de la situation de « prolétaire », n’ayant pour vivre que la vente de sa force de travail. Cette catégorie supérieure est elle-même très hiérarchisée. Et entre cette couche supérieure et le prolétariat proprement dit, se trouve une couche moyenne, représentant donc autour de 20 % de la population, en situation contradictoire du fait des politiques libérales : la majorité est sous la menace de la prolétarisation, tandis qu’une minorité espère encore se hisser dans les catégories supérieures.

4. A partir de ces quelques chiffres, on comprend l’intérêt pour les classes dominantes de d’invisibiliser le prolétariat et de le diviser en deux parties et en plusieurs partis. C’est indispensable au maintien de leur domination politique. L’analyse de Marx reste valable, il reste la classe à même de mener une action décisive contre le capitalisme, la seule classe n’ayant rien à perdre, la seule classe maîtrisant le processus de production.

5. Le prolétariat est aujourd’hui nombreux, mais il est invisibilisé, tant politiquement que socialement et culturellement. L’appel aux « essentiels » lors de la crise du Covid a été rapidement oublié. Deux grandes stratégies permettent d’éloigner le prolétariat de la visibilité politique et du pouvoir. Dans le premier cas, on assimile tous ceux qui ne sont pas des « ultra-riches » aboutissant à regrouper les fameux « 99 % ». Le seuil pour appartenir aux « 1 % » les plus riches est, selon l’Observatoire des Inégalités à un patrimoine de 2,2 millions d’euros. C’est à dire que celui qui possède par exemple 2,1 millions d’euros de patrimoine fait partie des 99 % les moins riches. Il n’est pas pour autant un prolétaire, ni probablement pas poussé par sa situation à changer radicalement la société. Dans la structure de classe actuelle de la société française, l’intégration des prolétaires au sein d’un bloc plus large incluant les classes moyennes (sans même aller jusqu’aux 99%) participe de l’invisibilisation des prolétaires et conduit dans la pratiques à les placer sous la direction de couches socialement « mieux intégrées ». Dans le second cas, on met en retrait la situation sociale et en avant d’autres différences et discriminations sociales : genre, couleur de peau, origine, handicap, orientation sexuelle, … C’est la théorie de l’intersectionnalité. On remplace alors le prolétariat par la catégorie multiple des opprimés / discriminés, que l’on victimise. Cette vision occulte le caractère central des différences de classes et renvoie chacun à sa situation individuelle. Au mieux, il est invité à se libérer lui-même, seul ou en petit groupe, d’une oppression qui peut surgir à tout moment, de la part de n’importe qui. Pourtant, le racisme – de nombreuses études le montrent – découle d’une position sociale, de l’impérialisme et du colonialisme, qui ont inventé l’existence et l’inégalité des races pour justifier leur domination. De même, la domination patriarcale, la soumission de la femme et des enfants du foyer à son maître est historiquement liée à la structure de classe. L’homme, dans la famille bourgeoise, est le détenteur du capital.

6. La politique constante de la bourgeoisie et de l’impérialisme est d’attiser partout toutes les divisions, notamment raciales entre prolétaires afin d’affaiblir le prolétariat et d’assurer sa domination. La question de l’immigration a été instrumentalisée et manipulée afin de diviser encore et encore, tout comme celle des identités culturelles, des religions. Les différences sociales, culturelles, idéologiques existent réellement au sein du prolétariat, qui n’est pas spontanément uni. Il est facile pour la bourgeoisie et ses valets de les attiser, de jouer sur l’incompréhension de la spécificité des conditions de vie de chacun pour opposer les uns aux autres. Seul la reconstruction d’une appartenance collective à la classe, au prolétariat, permet de les dépasser, par un long et patient travail.

7. Pour cela, il est nécessaire de reconstruire une organisation et une conscience de classe, dans un contexte où les organisations de production ont radicalement changé, ont été géographiquement, juridiquement et organisationnellement éclatées. Le prolétariat doit cesser d’être une classe en soi, victimisée, reléguée, invisibilisée à une classe pour soi, porteuse de son avenir, capable de se saisir des moyens d’agir et d’unir la nation autour d’elle en vue de sa transformation et de sa modernisation. Pour contribuer à développer la conscience de classe du prolétariat, le parti doit mener la bataille des idées sur un certain nombre de points. Il faut lutter contre la victimisation. Le prolétariat, c’est l’énergie vitale de la société, ce sont les « essentiels ». Il possède collectivement l’intelligence pratique de la production, des systèmes et des relations. Plus que toute autre classe, il comprend qu’il n’est rien sans le groupe. Il reste à ouvrir et élargir le groupe à la classe, mais le réflexe collectif est déjà latent. Il faut lutter contre l’assimilation, le discours des « 99 % » qui égalise tout le monde dans une vaste classe exploitée et dont les représentant sont en général des petits-bourgeois. Enfin, il faut lutter contre toutes les formes de division et cela suppose de combiner le travail de masse spécifique et la construction de l’unité de classe.

8. Deux questions sont centrales aujourd’hui. La question du féminisme, et celle des divisions raciales, ethniques et culturelles. Les femmes et les travailleurs d’origine immigrée sont les catégories qui subissent l’exploitation et les conditions de vie parmi les plus dures, à la fois de la part du capital, qui leur réserve les travaux les plus ingrats, les salaires les plus bas et des places dévalorisées dans les organisations de travail mais aussi de la part de multiples structures sociales archaïques, de l’état et des administrations, souvent injustes et tatillonnes ainsi que de la part d’une fraction importante de la population qui véhicule un grand nombre de préjugés, de vexations, d’attitudes malveillantes et de violences. La volonté d’unir le prolétariat nécessite, comme le PCF l’a toujours porté, une politique et un travail constant en direction des femmes et des travailleurs d’origine immigrée.

9. Concernant les femmes, malgré les avancées obtenues depuis un siècle, le travail est loin d’être terminé. Au contraire, la crise du capitalisme, engendre un recul déjà largement perceptible de la condition des femmes. Une nouvelle impulsion est nécessaire à notre travail dans cette direction.

10. Concernant les travailleurs d’origine immigrée, les migrants, un travail spécifique est également nécessaire. La question des modalités d’intervention particulière en direction de ces travailleurs est à poser entièrement. Une autre question est à soulever, en miroir de celle-ci, celle de la reconstruction des bases de la république, dans une population française qui a évolué (développement de la religion musulmane comme deuxième religion « de masse » en France et persistance de l’arabophonie sur plusieurs générations) et celle de la perception par les travailleurs français sur ces évolutions. Question complexe, mais pas sans solution, si on parvient à l’aborder clairement.

11. L’ensemble du travail en direction du prolétariat est une tâche prioritaire pour le PCF. Il doit y consacrer l’essentiel de ses moyens et de son énergie. Un réexamen complet de notre organisation, de nos processus de travail militant, de notre contenu politique, dans le fond et dans la forme est à mener pour y parvenir. Si le prolétariat représente environ 70 % de la population, et qu’il est notre priorité, il faut investir environ 85 % de nos moyens (permanents, temps militant, moyens matériel …) pour y parvenir raisonnablement.

Etre dans l’action immédiate et en même temps, représenter l’avenir

1. L’objectif des communistes ne peut pas être de « résoudre la crise de la gauche » pour rétablir une gauche réformiste et la porter au gouvernement. Les communistes doivent accompagner les évolutions pour dépasser à la fois la crise et la « gauche » elle-même, parvenir à une unité plus large et plus profonde, capable d’engager les transformations révolutionnaires nécessaires, que les communistes doivent porter de façon claire et visible.

2. C’est la première auto-critique que nous devons formuler quant à notre campagne des européennes. Nos candidats et l’équipe ont fait un travail remarquable. L’investissement du parti dans la campagne l’a également été. Cependant, le travail de préparation politique a été insuffisant. La position du parti sur l’Union Européenne n’a pas été assez travaillée. Déjà, lors du 38ème congrès, au nom d’un manque de temps, le débat n’a pu être mené jusqu’à son terme. Le texte final a été remanié par rapport à la base commune initiale du manifeste par la commission du texte et non par les congressistes. Au 39ème congrès, la décision annoncée d’une future conférence nationale a contribué à nouveau à évacuer le débat. Malheureusement, cette conférence nationale n’a pas permis davantage de discuter en profondeur : pas de contributions écrites des communistes, pas de conférences fédérales, une conférence nationale réduite à une journée et un vote en CN. De ce fait, notre liste a dû entrer en campagne avec des positions qui n’avait guère été revues depuis plusieurs années et qui comprenaient de grosses ambiguïtés. Deuxième difficulté, le périmètre de cette liste et son intitulé « la Gauche Unie pour le Monde du Travail ». Que devait comprendre l’électeur ou le sympathisant communiste ? Une liste de « gauche unie » ? Une liste « communiste » ?

3. Si nous souhaitons porter l’avenir et une alternative radicale au capitalisme, nous avons besoin de l’affirmer par des listes « communistes », des listes qui ne subordonnent pas l’action de masse à l’élection, mais font de l’élection la tribune de l’action de masse et le baromètre de son développement. La notion de « gauche », fut-elle « unie » et « pour le monde du travail » porte au mieux l’idée d’améliorer les conditions immédiates au sein du capitalisme, pas celle de substituer à l’ordre capitaliste une société plus avancée. Nous avions une occasion unique de développer devant le peuple de France une orientation fondamentalement différente de celle que portent les autres forces de la gauche. Elle aurait pu nous donner un élan nouveau. Nous ne l’avons pas réellement saisie.

4. Une autre situation est celle qui s’est présentée pour le NFP. La priorité était clairement la défense face à la progression du RN et au danger de le voir arriver au pouvoir. Cette situation arrive précisément parce que, la situation se tendant, le capital ne peut plus s’appuyer sur une gauche libérale pour alterner avec la droite et maintenir sa politique. Au contraire, la crise de la social-démocratie fait apparaître des forces nouvelles, plus ou moins ouvertes à des luttes concrètes contre la domination du capital (sans toutefois le formuler réellement ainsi). Il y a valeur à s’unir ici, dans un cadre principalement défensif. Les communistes, participant à des Fronts Populaires Antifascistes, doivent cependant y « représenter l’avenir du mouvement » notamment en ramenant l’action vers le terrain social, vers l’action collective et en levant les illusions parlementaristes et électoralistes. Ce n’est pas ce qui a été fait. Le Front Populaire Antifasciste doit aussi avoir ses limites, qui ne peuvent être de faire front avec les forces ouvertement réactionnaires, impérialistes et bourgeoises. L’attitude vis à vis du parti présidentiel ne peut être le blanc-seing, qui l’autorise désormais à se saisir des voies portées sur ses candidats « pour faire barrage au RN » pour préparer l’accession au pouvoir de ce même RN. La recherche de l’unité anti-fasciste ne dispense pas d’une analyse de classe correcte, faute de quoi nous tendons le bâton pour nous faire battre.

5. La clé de la situation actuelle réside précisément dans le fait que le peuple de France rejette massivement (y compris une large part des électeurs de Macron et des LR) la perspective d’une arrivée du RN au pouvoir. La stratégie de Macron est de faire sauter ce verrou, approcher le RN du pouvoir, voire l’y amener dans une position de soutien aux politiques du capital : pour la guerre, pour les coupes budgétaires, pour la destruction complète des services publics. La peur du fascisme peut au contraire amener la « gauche » à remettre davantage en question le capitalisme et l’impérialisme. A charge pour les communistes de porter ces orientations.

6. Le second aspect de la question est la place du prolétariat dans la vie politique actuelle. Les souffrances engendrées par la crise sont énormes mais les familles, les travailleurs font face, du mieux qu’ils peuvent et avec un grand courage. Ils sont très conscients de la difficulté de la situation, des mensonges des politiciens bourgeois, Ils n’ont pas besoin d’un espoir facile. Ils sont prêts à consentir des sacrifices, ils le font déjà chaque jour. Ils savent la vérité de la société capitaliste dans leur quotidien et ne supportent plus l’hypocrisie de la « gauche » qui prétend les défendre mais les a en réalité tant trahis et au fond, ne s’est jamais sérieusement remise en question.C’est pourquoi ils n’ont pas peur de politiques « dures », de combats. C’est pourquoi cette puissante vague de colère a, comme l’a souligné Fabien Roussel, balayé l’ensemble du paysage politique, sans se saisir des propositions du NFP.

7. Nous devons admettre que nous n’avons pas réussi à répondre à une certaine attente de classe. À la présidentielle 2022, nous présentons Fabien Roussel, candidat du PCF, avec le programme des « Jours heureux ». Le talent oratoire de Fabien et cette formulation à la fois concrète et symbolique de notre programme a incontestablement attiré l’attention, particulièrement au sein du prolétariat. Enfin, quelqu’un parlait différemment. Sur les marchés, dans la campagne, nombreux nous l’ont dit, nous l’ont montré. Mais en juin 2022, nous nous rangeons sagement dans la NUPES, derrière Mélenchon, Faure et les écologistes.Non seulement nous nous y rangeons, mais nous le faisons, sans que rien ne dépasse, sans une contestation, sans que, dans une seule circonscription, nous allions à la bataille sous nos propres couleurs, de notre propre initiative. L’union sans le combat. Comment l’électorat ouvrier, populaire, prolo, qui a commencé à s’intéresser à nous comme porteurs de ce qu’ils attendent, au fond, le retour d’un grand parti communiste, d’un parti qui n’a peur de rien pour les défendre et ne se compromet pas, pouvait-il nous suivre sur ce terrain ? Le cantonnement du parti dans un petit nombre de circonscriptions démobilise la plupart des sections et nous voue à la perte d’influence.

8. La construction du NFP, plus large, a souffert précisément de cette limite : l’unité anti-RN était nécessaire et légitime. Le rôle des communistes eut été d’y apporter la force d’action du prolétariat (au moins d’une partie de celui-ci) et sa radicalité politique, quitte à produire de nécessaires frictions avec les forces réformistes et les couches plus « petites-bourgeoises ». Nous nous sommes à nouveau rangé dans l’union, en étant même les meilleurs artisans, nous avons apporté des éléments de programme et nous avons même sacrifié quelques circonscriptions pour permettre aux frères ennemis socialistes et insoumis de satisfaire chacun leur appétit. Mais, avons-nous rendu visible le combat nécessaire, de sorte que des travailleurs déçus de la gauche puissent se dire « Il faut se rassembler, mais ce sera différent des précédentes unions de la gauche » ? Pour que le prolétariat se détourne du RN et se rallie au front populaire anti-fasciste, le PCF doit adopter une position clairement combative en son sein. La question centrale de la paix aurait pu être un axe de ce combat, alors que d’autres forces de gauche soutiennent l’OTAN, l’envoi d’armes et même de soldats contre la Russie, alors que la FI a instrumentalisée la question palestinienne sans la faire progresser.

9. Le PCF doit acquérir davantage de poids, et pour cela, notre priorité, à chaque élection, doit être de protéger et de reconstruire des bastions électoraux solides : des villes communistes ou susceptibles de le (re)devenir, dans lesquelles nous sommes largement implanté dans le prolétariat et devenons capable, par nous-mêmes, de gagner les diverses élections. Cela doit être une ligne claire et nous devons nous autoriser à nous présenter systématiquement dans ces villes stratégiques quelle que soit l’avis des forces de la « gauche ». Un soin particulier doit être apporté à la vie et à l’expression du parti et de la JC, aux liens avec les organisations de masse, en autonomie maîtrisée par rapport à la municipalité et à l’exercice collectif des responsabilités. Lorsque cette base sera reconstituée, nous pourrons, dans les négociations avec nos partenaires, obtenir un réel rapport de forces et mieux défendre les travailleurs et les classes populaires. L’objectif pourrait être, à terme, de constituer ou de stabiliser au moins un bastion dans 30 départements. Nous perdrons parfois, nous gagnerons aussi, avec d’autant plus de force que le combat aura été clair et sans concession.

Le PCF et le travail de masse dans la période de crise générale

1. La politique du capital, la destruction des services publics, la désindustrialisation et la baisse régulière du niveau de vie entraînent un large mécontentement. Les mobilisations récurrentes contre cette politiques ne parviennent pas à l’enrayer, comme lors de la contre-réforme des retraites (2023), ou précédemment (lois travail 1 et 2 …). L’organisation du mécontentement, le développement du collectif, son élargissement et sa transformation en une force sociale sans cesse plus forte est donc la question clé. Réapprendre à lutter ensemble, non pour un résultat immédiat, qui n’est pas toujours possible, mais pour retrouver la fierté, la dignité et une forme d’efficacité, celle de la valeur de la lutte. Les manifestations même nombreuses constatées dans ses mobilisations n’ont pas menacé le pouvoir du capital. Les grèves sont restées limitées, en particulier dans le secteur privé, dans la logistique, le transport routier etc. Le problème qui se pose à nous dans ces secteurs ne peut pas se résoudre au moment où le mouvement se développe. Ces secteurs sont pourtant souvent des secteurs où le niveau d’exploitation et de mécontentement est élevé, mais avec une faible syndicalisation, une faible politisation, l’absence de militants et d’intervention politique et syndicale dans des secteurs entiers, l’absence de lien suffisamment opérationnels entre ces secteurs et les secteurs plus mobilisés. Ceci est à résoudre par un travail spécifique, intense et patient, tant au niveau des organisations de masse que du parti.

2. C’est un apprentissage vivant qui doit être mené globalement. Les conditions de vie, d’action, l’organisation même du système productif, des modes de vie ont changé l’ensemble des conditions dans lesquelles se déroule le travail militant. Les lieux de travail sont éclatés. Les travailleurs sont plus isolés que jamais, dans le process de travail, dans leur déplacement, dans leur vie familiale. Les modes de socialisation et de solidarité spontanée de classe ont changé. Les attentes des gens vis à vis des actions et événements collectifs ont aussi changé. Chaque génération entretient un rapport différent par rapport à la vie collective. Il y a aussi des différences culturelles importantes à prendre en compte dans notre travail. La première chose est donc que le parti doit innover dans ses modes d’actions et d’organisation, s’adapter à l’état réel des masses plutôt que d’attendre le retour spontané des masses dans les modes d’organisation habituels. Nous devons prêter la plus grande attention aux attentes et besoins des gens et pour y répondre, nous devons observer et puiser dans la créativité populaire et développer notre propre créativité collective. Nous devons innover, expérimenter. Nous devons aussi tirer parti de ce qui réussit et analyser ce qui échoue, que ce soit en interne ou dans d’autres organisations.

3. L’action des adhérents et militants communiste au sein des organisations de masse est donc aussi un acte militant de parti, mené en synergie et en symbiose avec le parti, en vue de renforcer simultanément l’action de masse et le parti lui-même. Dans les actions collectives, l’action complémentaire du parti et de ses organisations de masse est en général bénéfique. Si le parti se retire du terrain de masse, ou n’y apparaît qu’indirectement et extérieurement, laissant l’organisation de masse assumer seule le travail de conscientisation et d’organisation, cela déséquilibre aussi le rôle de cette organisation, tend à la politiser pour tenter de combler le vide laissé par le parti et limite sa capacité d’attraction au sein des masses.

4. Il est donc nécessaire de faire régulièrement un bilan clair de la situation des organisations de masse, de leur développement au sein du prolétariat en premier lieu mais aussi au-delà en fonction du la nature et du but propre de chacune et de leur capacité à élargir l’action en entraînant des couches toujours plus larges. Nos derniers textes de congrès ne contiennent pas d’analyse détaillée de la situation des organisations de masse, et en particulier de la plus importante d’entre elles en France, la Confédération Générale du Travail. Pourtant, de nombreux militants communistes agissent en son sein et notre parti y a joué historiquement un rôle prépondérant et essentiel. Ce n’est pas le but de ce texte de faire cette analyse détaillée. Nous resterons ici au niveau des remarques générales ci-dessus.

Un parti communiste conscient de son rôle et bien organisé

1. La priorité de ce travail de masse redonne un sens clair à l’utilité du parti et de son lien avec les organisations de masse, à l’utilité de l’action de chaque militant et de chaque structure au sein du parti. L’utilité du parti dépasse alors celle d’avoir de élus, ou celle d’une alliance large au dessus du parti et dominée par des forces réformistes. La véritable utilité du parti, c’est de contribuer à développer l’action des masses, dans la défense de leurs intérêts et de développer au sein de ces actions la perspective politique de la transformation de la société. L’action vient en premier, l’action précède les prises de conscience et les accélère.

2. Il y a une spécificité française du Parti Communiste, de son poids historique, de son rôle non seulement dans la résistance anti-nazie mais aussi dans la rétablissement et la modernisation de la France après guerre qui tient précisément dans cette capacité d’entraînement du parti à l’égard des masses. Le PCF n’est pas le seul parti communiste à avoir survécu et résisté encore à la vague néo-libérale. Mais ils ne sont pas si nombreux. Et cette spécificité n’est certainement pas sans lien avec les puissantes vagues de grèves – sans grand équivalent en Europe – que la France a connu en résistance aux politiques néo-libérales.

3. Saigné par la désindustrialisation, malmené par son « partenaire » socialiste au sein de la gauche, marginalisé électoralement, pénétré par le réformisme, le PCF a néanmoins refusé de se saborder et de renoncer à son identité communiste. Malgré son affaiblissement quantitatif et qualitatif, il demeure une référence politique pour de nombreux français. Depuis plusieurs années, patiemment, le parti fait un effort conséquent pour remonter la pente, marche par marche. Aujourd’hui, le Parti Communiste Français n’a pas encore obtenu de réels résultats électoraux, ni vu son influence s’accroître dans les entreprises. Il ne faut pas sous-estimer néanmoins qu’un changement positif de la perception du parti est en cours, même s’il n’est pas visible dans les résultats. Le travail sera long et les résultats visibles ne viendront qu’après un certain nombre d’étapes accomplies.

4. Les multiples défis à relever se ramènent à une célêbre remarque de Lenine : nous manquons de bras pour agir, pourtant, les mécontents ne manquent pas. Ce qui manque, c’est donc notre capacité à les organiser et à nous organiser nous-même. Prenons un exemple. Les dernières années ont été marquées par l’inflation et la perte de pouvoir d’achat, dramatique pour de nombreuses familles. Cela a suscité un très fort mécontentement que le parti a essayé de mobiliser. Nous avons lancé un mot d’ordre de manifestation, devant / dans les préfectures. Cet appel a « fait le buzz » dans les médias. Nous n’avons pourtant pas réussi à organiser ces manifestations dans la plupart des préfectures. La capacité du parti à réagir rapidement suppose une expérience, une organisation et des capacités dont le rétablissement va demander un long et patient travail.

5. L’action collective réussie, c’est d’abord l’action dans laquelle chacun se sent bien, chacun puise l’énergie pour poursuivre la lutte, la renforcer et l’élargir. Mieux vaut commencer par des actions modestes, locales, simples à organiser, avec des objectifs atteignables, et dans lesquelles chaque participant, militant, adhérent ou sympathisant a un rôle à jouer. Pour y parvenir, il faut adapter les modalités et les objectifs de l’action à ce que la plupart (militants, sympathisants, et participants possibles) sont prêts à faire. Si on n’est pas sûr de pouvoir organiser une manifestation devant une préfecture, comment peut-on agir autrement tout en portant le même contenu ? On a tendance à privilégier la visibilité médiatique des actions. Il faut « du nombre », des grandes manifestations qui permettront d’afficher un chiffre en centaines de mille dans les médias. Mais quid des petites villes ? Même en banlieue, est-il si facile de demander à des travailleurs de faire 1h de métro, de tram ou de bus pour se rendre à une manifestation ? C’est une question qu’il faut se poser de manière systématique.

6. L’explication claire du sens de l’action, des liens entre les actions qui se succèdent et s’alimentent mutuellement sont essentiels. Cela suppose une bonne coordination et planification des actions au sein du parti, et donc une bonne centralisation des moyens et des objectifs. C’est tout le sens que Lenine donna à la presse du parti, à « l’organe central » que l’on considère à tort dans un schéma descendant : la « bonne parole » vers les masses. En réalité, et c’est d’ailleurs comme cela que Lenine travaillait, omme en ont témoigné plus tard les correspondant locaux, Lenine posait beaucoup de questions et il était demandé une remontée permanente d’informations locales, sur l’état d’esprit des masses, sur les actions menées localement, sur les conséquences des politiques gouvernementales … C’est seulement à partir d’informations détaillées et factuelles sur l’état d’esprit des masses que le parti peut formuler et articuler des actions concrètes efficaces et mobilisatrices, puis les porter à la connaissance de chacun par ses outils militants et son organe central.

7. La nécessité d’un organe central du parti n’est donc pas seulement une contribution à la liberté de la presseet à l’existence d’une presse indépendante de la grande bourgeoisie, capable de mener la bataille des idées au service de la gauche au sens large. C’est l’existence d’un outil d’information et de mobilisation, au service de l’action de masse, capable aussi de porter les argumentaires, les analyses du parti, les informations clés, l’agenda de campagne de manière uniforme sur l’ensemble du territoire. La forme d’un tel outil dans les conditions actuelles de diffusion de l’information n’est pas nécessairement celle d’un journal papier, mais cet outil doit exister avec la diffusion la plus large possible, accessible non seulement aux militants du parti mais à l’ensemble de la population.

8. La capacité à mener des actions de masses, accessibles largement à tous les mécontents de la situation actuelle et capable de les mobiliser largement nécessitent le développement de capacités d’organisation dans l’ensemble du parti et l’acquisition pour les camarades de la confiance nécessaire. Participer à un porte à porte n’est pas évident pour tous nos camarades et c’est tout à fait normal. Organiser un rassemblement ponctuel ne l’est peut-être pas pour toutes nos cellules. Rendre efficace et visible une intervention est un sujet sur lequel nous pouvons collectivement progresser. La formation des cadres et des militants, l’activation de processus de partage d’expérience est une clé du succès.

9. Dernier aspect important, la sécurité. Dans le contexte du renforcement de la répression, et de la menace d’une arrivée du RN au pouvoir, celle-ci doit devenir une préoccupation constante afin de rassurer les camarades et de leur permettre de pouvoir agir sereinement. La protection de nos locaux, de nos camarades, du secret de nos communications et de notre organisation vis à vis de toute organisation malveillante, la formation de chacun aux règles de base de cette sécurité doit (re)devenir une priorité pour le parti. La sécurité informatique, celle de nos fichiers et de nos listes de diffusion doit être une priorité. L’utilisation massive de whatsapp pour notre communication interne doit être proscrite, et celle de Signal (la messagerie recommandée par Edward Snowden) doit être privilégiée. L’utilisation de services informatiques externalisés pour gérer nos données militantes doit être examinée avec vigilance.


Notre parti communiste, fort de son histoire, de son expérience, de son implantation, a un rôle à jouer. La jeunesse de France est combative. Elle cherche des réponses. Elle n’est pas fataliste ni alourdie par le poids du passé. Elle vit une nouvelle phase du capitalisme, celle de la crise sans fin, de la précarité généralisé et désormais, des guerres et du fascisme. Elle peut renverser des montagnes et établir, enfin, une société débarrassée de la misère et de l’exploitation. Le Parti Communiste Français a un rôle essentiel à jouer pour préparer et obtenir cette victoire.

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