important discours de Mélenchon à la fête de l'humanité et tribune du Monde le 18 septembre
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Tribune dans le Monde du 18 septembre
LE MONDE | 18.09.2014 à 12h50 • Mis à jour le 18.09.2014 à 13h32 | Par Jean‐Luc
Mélenchon
Pour une VIe République avec une
souveraineté populaire jusqu'au bout
Abstrait le débat sur la VIe République ? Voyons. La France doit se protéger des pouvoirs de
la finance. Ils dévorent l'économie réelle, qui ne peut supporter l'exigence de tels niveaux de
rendement. Alors, un euro investi pour dix ans ne devrait pas avoir le même pouvoir de vote
qu'un euro placé sans engagement de durée. Face à la désindustrialisation, ne serait‐il pas
opportun d'instituer un droit de préemption pour les salariés qui veulent reprendre leur
entreprise quand son propriétaire la vend ou l'abandonne ? Un pays aussi instruit que le
nôtre ne devrait‐il pas miser d'abord sur l'intelligence collective des salariés d'une entreprise
pour en conduire la stratégie et la marche ?
Eux, plutôt que le seul PDG et sa suite dorée de cadres financiers obsédés par leurs stockoptions.
Surtout depuis que ces derniers commandent à la place des ingénieurs de
production ! Comment créer un cercle vertueux du partage de la richesse, sinon en
instituant un salaire plafond tel que le plus haut ne puisse être plus de vingt fois supérieur au
plus bas dans la même entreprise ?
LA FRANCE PEUT MONTRER L'EXEMPLE
Pour tout cela, la définition des droits constitutionnels de la propriété privée du capital
devrait changer. D'un droit sacré inaliénable, il doit devenir un simple droit d'usage, encadré
par les servitudes de l'intérêt général. Sans cela, comment accroître la rémunération du
travail qualifié et réduire le coût du capital dans la production ? La reconnaissance due au
travail et à l'imagination créatrice est l'urgence. Ce n'est pas un choix de circonstance ni
même idéologique. Car la production et l'échange doivent impérativement changer de
méthode. Il faut relever le défi des conséquences du changement climatique, de
l'augmentation de la population et de la compétition pour l'accès aux ressources.
La France peut montrer l'exemple. Elle peut s'occuper de son domaine maritime, le
deuxième du monde, et y ancrer la conversion de son modèle de production en vigueur à
terre. Elle ne doit pas l'abandonner aux appétits prédateurs et irresponsables des
compagnies privées pour qui la mer est déjà une poubelle. Il y faudra beaucoup de moyens.
Or l'arbitrage entre investissement et dividendes s'opère spontanément au profit des
seconds. Ils imposent le règne du temps court et de l'intérêt particulier sur les besoins du
temps long, celui de l'intérêt général ! Comment protéger les droits du temps long que la
planification écologique exige ? Comment mettre au défi tous nos ingénieurs pour qu'ils
trouvent le moyen de respecter la « règle verte » qui impose de ne pas prendre à la planète
davantage que son pouvoir de récupération ?
MUTATION EN GRAPPE
Encore une fois, c'est l'inscription dans la Constitution qui fixera cet impératif comme une
règle commune opposable aux aléas des majorités et des circonstances au nom de l'intérêt
général humain. C'est elle qui donnera leur place essentielle aux lanceurs d'alerte et aux
délégués environnementaux dont une république moderne a besoin à l'ère de
l'anthropocène. Il n'est de domaine où les avancées de la connaissance et les fruits de
l'expérience ne commandent d'inscrire de nouvelles dispositions dans les objectifs des
institutions politiques. Et cette inscription provoquera une mutation en grappe des normes
en vigueur dans toute l'organisation sociale.
Par exemple, la France doit interdire la brevetabilité du vivant. Et assurer l'égalité d'accès au
Net. Elle devrait garantir l'absolue et définitive souveraineté sur soi en constitutionnalisant
le droit à l'avortement et celui d'être aidé pour accomplir sa propre fin quand on en a
décidé. La souveraineté qui se noue ainsi au corps est le point de départ de celle qui se
cherche dans l'ordre politique. C'est le rôle du peuple. Quel rôle ? Celui qui est au point de
départ de toutes les communautés humaines de l'histoire : assurer sa souveraineté sur luimême
et sur l'espace qu'il occupe.
Depuis 1789, nous définissons la citoyenneté comme la participation de chacun d'entre nous
à l'exercice de cette souveraineté, sous l'empire de la Vertu. C'est‐à‐dire dans l'objectif de
l'intérêt général. A présent tout cela est effacé. L'intérêt particulier de la finance et la main
invisible du marché sont réputés produire le bien commun comme le foie sécrète la bile. La
règle de la concurrence libre et non faussée est décrétée spontanément bienfaisante.
UNE NOUVELLE DÉMOCRATIE EST NÉCESSAIRE
Mise au service du libre‐échange, elle serait indépassable. Le peuple est invité à s'en
remettre aux experts sur la façon la mieux adaptée de généraliser ces principes. La Ve
République est le système qui organise ce détournement du pouvoir. Pour y parvenir, elle a
été réformée vingt‐quatre fois depuis sa création. Depuis, une construction gothique dilue la
souveraineté du peuple dans les sables de la monarchie présidentielle. Le reste est refoulé
par l'opaque mécanique des institutions européennes. Lesquelles protègent avec soin le
saint des saints, c'est‐à‐dire le pouvoir financier confié à la Banque centrale européenne. Elle
seule est souveraine en dernier ressort.
Une nouvelle démocratie est donc nécessaire. Exemple : comment garantir le droit du
peuple à exercer sa souveraineté, même entre deux élections ? Le référendum révocatoire
en cours de mandat le permet. Si un nombre prédéfini de citoyens le demande, un
référendum est organisé pour savoir si un élu peut garder son mandat ou être déchu. Cette
procédure s'appliquerait à tous. Donc aussi au président de la République. Si, selon les
sondages (IFOP, réalisé du 8 au 9 septembre), 62 % des Français souhaitent qu'il s'en aille
plus tôt que prévu, il faut que cela soit possible sans barricades.
Sinon ? Du banquier central européen au monarque‐président, le système de
commandement est d'une implacable rigidité. Il implosera. Non pour des raisons
idéologiques. Juste parce qu'il est inapte à régler les problèmes du grand nombre. Inapte du
fait de ses principes et du personnel qu'il doit recruter pour les assumer. Avec une
assemblée constituante, le peuple écrira une autre histoire : celle de la VIe République.
Voilà pourquoi j'appelle à signer pour la VIe République sur www.m6r.fr
Jean‐Luc Mélenchon