Hommage d'Anicet Le Pors à Jean Le Lagadec
L'hommage au président honoraire de l’Union des Sociétés Bretonnes de l’Ile de France (USBIF) d'Anicet Le Pors, président d’honneur de l’USBIF.
Jean nous a quitté, il aurait eu 91 ans dans quinze jours. Mais sa robuste constitution, en dépit de la maladie qui l’avait handicapé depuis plusieurs années nous laissait penser qu’il aurait pu poursuivre encore pendant un temps indéterminé. Il m’avait demandé de faire l’éloge funèbre en 1986, de Jacqueline, son épouse, à Plufur, dont il était originaire, dans les Côtes d’Armor. Jacqueline, dont je crois devoir rappeler la mémoire ici à Champigny où elle a été institutrice pendant 28 ans et conseillère municipale.
Ils s’étaient installés à Champigny en 1957 et Jean participa à la vie locale, directement puis en prenant appui sur le mandat municipal et le mandat départemental de de Jeannick, sa fille. Mais la vie sociale et politique de Jean s’est principalement développée au niveau national comme journaliste à l’Humanité où il entre en 1949 et sera promu chef du service politique dans la période de montée en puissance de l’union de la gauche sur la base du Programme commun de gouvernement. J’en garde des souvenirs très précis, notamment lors de nos participations communes aux Clubs de la presse d’alors, moi comme invité, lui comme journaliste représentant l’Humanité. C’était pour moi une sécurité car, outre la qualité de ses argumentations, la tonalité de sa voix imposait le respect à des contradicteurs malintentionnés.
C’est surtout par la fermeté de ses convictions fondées sur une réflexion théorique approfondie que Jean affirmait une personnalité sollicitait l’écoute et appelait un débat ou on ne pouvait s’engager sans ressources. Cela entrainait des confrontations, des éclats de voix, pouvait laisser des traces, mais se révélait finalement fécond pour la pensée commune. Jean était attaché aux vertus émancipatrices du « Manifeste communiste », aux « lendemains qui chantent » du socialisme à la française, aux « jours heureux » du programme du Conseil national de la Résistance, au caractère « prométhéen » du XX° siècle dont nous avons souvent discuté. Il vivait avec inquiétude mais sans découragement la situation actuelle. Son engagement était profondément ancré dans la vie réelle. Né à Plufur il nous arrivait dans les discussions d’imaginer une « voie plufurienne au socialisme » dont la force de ses convictions et la véhémence de son verbe en faisait le promoteur obligé.
Les pensées de Jean s’exprimaient de manière ferme. C’était notamment le cas lorsqu’il intervenait sur les relations qu’il convenait d’établir entre la citoyenneté française et l’attachement partagé par nombre d’entre nous à nos origines, aux racines bretonnes. Il était sans aucune complaisance vis-à-vis des communautarismes, qu’ils soient religieux, ethnique ou linguistique, lui qui parlait aussi bien le français que le breton. Il ne récusait pas la qualité de jacobin dont il est de bon ton pour certains de faire une accusation. Et c’est avec une certaine jubilation que nous nous rappelions parfois que, avant de s’installer dans le cloître de la rue St-Honoré à Paris, le club des Jacobins siégeait à Versailles et s’appelait … le Club breton. Lors du banquet annuel de l’USBIF à Clichy en 1982, Jean avait demandé à Charles Hernu et à moi-même, tous deux alors ministres du gouvernement de Pierre Mauroy d’être présidents d’honneur de l’Union, honneur partagé aujourd’hui avec l’ancienne ministre Marylise Lebranchu. La République reconnaitra les multiples mérites et talents de Jeau : la Légion d’honneur lui sera remise en 1982 par le Président François Mitterrand en personne à l’Élysée.
Nous nous connaissions depuis une cinquantaine d’année. Jean faisait partie de ma famille. Pas une réunion, un repas de famille, sans que, présent ou pas, il ne soit évoqué. Je dis mon affection à Jéannick et à François, à leurs enfants, ses petits enfant, à Claudine sa compagne, à tous leurs proches. Leur deuil est aussi le mien.