Macron est un dingue qui a atteint son niveau d’incompétence en jouant avec le feu politique et alimentant la machine Marine Le Pen. »
Catherine Tricot : « Il peut arriver la même chose à Macron qu’à Hollande en 2017 : ne pas pouvoir se représenter »
Pour la dernière Midinale de cette année 2019, Catherine Tricot, gérante de la revue Regards, revient sur les temps forts de l’année et les perspectives pour 2020 – et au-delà.
Le fait marquant de 2019 ?
« Je pense aux gilets jaunes, au mouvement qu’on est en train de connaître et à l’immonde polémique sur l’islam à la rentrée. »
« L’événement le plus marquant, ça a été la montée en puissance des luttes contre le réchauffement climatique et la figure de Greta Thunberg. »
« Times a eu raison de mettre Greta Thunberg comme personnalité de l’année 2019. Je valide ! »
Sur #metoo
« Regards n’a pas saisi ce moment particulier qu’est #metoo. »
« #metoo, ce n’est pas seulement la question des violences faites aux femmes, même si ça se cristallise autour de ça. »
« #metoo, c’est une relance des luttes féministes qui étaient sur le reculoir. »
« La question de la domination masculine qui se traduit par une domination physique et l’imposition aux femmes des désirs des hommes, s’est fortement manifestée. »
« Je ne connais aucune femme qui puisse dire qu’elle n’a jamais été victime. »
Sur le mouvement contre la réforme des retraites
« Au delà des retraites, le mouvement actuel charrie des choses très profondes : le problème de la protection sociale, de l’anticipation de nos vieux jours… »
« Il faut que l’on se pose la question de la qualité de notre vie. »
« On est en train de contester des dogmes qui ont dominé depuis trente ans notre vie politique : les 3%, les 14%... »
« Ce n’est pas possible que des critères abstraits décident à la place de la politique. Il faut revenir à la place que l’on veut accorder au social et au bien-vivre. »
« Il y a une remise en cause du social-libéralisme qui a dominé la gauche et qui la met au fond du trou. »
Sur la gauche
« La gauche, ce n’est pas que la gauche politique. »
« Cette année, il s’est créé des liens entre des revendications : écologiques, sociales, de sens. Et cela converge vers une nouvelle cohérence : le bien vivre, le mieux vivre, une vie qui aurait du sens. »
Sur les violences policières
« Ce qui sera un marqueur de l’année 2019, ce sont les violences policières mais, d’une manière générale, un mode de gestion extrêmement autoritaire : les violences policières, c’est la pointe avancée de l’affaire. »
« Il y a une arrogance social de la part du gouvernement : ils ne méprisent pas tant les autres, ils sont convaincus du bien fondé de leur point de vue et ils veulent l’imposer. »
Sur les soulèvements un peu partout dans la monde
« On est au bout du moment du néolibéralisme et de la domination par l’économique de toutes les sociétés. »
« Les peuples recommencent à vouloir prendre en main leur destin : retrouver de la démocratie, retrouver de l’espace pour le social, à contester la montée des inégalités. »
« Il y a une remise en cause du néolibéralisme mais pas uniquement dans sa dimension économique mais aussi dans sa dimension autoritaire. »
Sur les raisons de ces soulèvements
« Je ne crois pas que l’on soit dans une société plus individualiste. »
« Il y a une affirmation croissante des individus qui tentent de trouver leur place, s’émanciper et maîtriser leur vie. Mais cela se fait dans un cadre capitaliste donc effectivement, cela peut prendre des formes individualistes mais ce n’est pas cela qui caractérise notre époque. »
« La gauche a trop pensé qu’on était face à de l’individualisme partout dans la société. Non : on est face à une recherche d’affirmation des individus. »
Sur les regards et les espoirs de la gauche dans le monde anglosaxon
« Jeremy Corbyn a pris un sérieux revers, notamment parce qu’il a été pris dans la nasse du débat sur le Brexit. »
« Aux Etats-Unis comme au Royaume-Uni, la gauche s’est dit qu’elle ne pouvait pas continuer dans les pas du social-libéralisme, qu’il ait été incarné par Tony Blair ou par Bill Clinton. »
Sur l’avenir de la social-démocratie
« Il y a un avenir à la social-démocratie si elle se réinvente. Mais ce n’est pas mon choix. »
« Ce serait plus intéressant d’avoir une social-démocratie plus à gauche pour les avoir en sparring-partners et imaginer cette autre façon de vivre dans le XXIème siècle. »
« Il ne suffit pas d’avoir un doute sur le fait d’être allié avec Angela Merkel pour faire naître une alternative. »
« Le Parti socialiste français hésite entre différentes positions : même à l’intérieur du débat sur les retraites, ils sont critiques sans aller au bout de leurs critiques dans la mesure où, depuis le livre blanc de Michel Rocard en 1992, les socialistes et la droite on partagé le même point de vue sur le traitement de la question de la retraite, c’est-à-dire comment limiter les dépenses sociales pour les retraités. »
Sur la disparition du vieux monde (politique)
« Jeremy Corbyn n’a pas trouvé les clefs pour se sortir de l’impasse. Je crois qu’on ne peut pas être de gauche et être contre l’Europe. Je crois qu’on ne peut pas être de gauche et être pour l’Europe. »
« Alexis Tsipras a été confronté à l’impasse européenne et l’a traité de telle manière que s’est apparue comme une trahison. »
Sur la gauche française
« Ce qui se passe en France, à gauche, est extrêmement grave car les élections européennes ont mis un point sur une réalité lourde de danger : il n’y a pas de force à gauche qui serait susceptible d’entraîner une dynamique. »
« La gauche française est émiettée à un niveau très préoccupant. »
« Je ne crois pas à l’alliance des gauches pour pouvoir gagner, notamment au niveau local. »
« La gauche n’est pas uniquement politique : aujourd’hui, énormément d’associatif, d’artistes, de gens qui comptent dans la vie locale, essaient de se retrouver dans un projet local. »
Sur la présidentielle 2022
« Aux municipales, peut s’agréger un peu de bien vivre et de nouveau sens des politiques publiques et sociales. Mais savoir si cela va permettre de faire émerger une personnalité d’ici 2022 ? Je n’en sais rien. »
« Ce que je crois, c’est qu’Emmanuel Macron n’est pas assuré d’être candidat en 2022. »
« Les catégories populaires ne se sentent pas représentées : la France des gilets jaunes, hors des grandes métropoles, Emmanuel Macron se les est pris de front. Les habitants des quartiers populaires, il se les est pris de front aussi avec le délire hystérique contre la culture musulmane. Et maintenant, il se prend de front tous les salariés des grandes métropoles et du service public. Il n’a plus de base sociale. »
« Emmanuel Macron s’est fait élire par les électeurs de François Hollande mais il est maintenant soutenu par la droite : il est du coup très affaibli sur le plan idéologique et politique. »
« Il peut arriver la même chose à Emmanuel Macron qu’à François Hollande en 2017 : ne pas pouvoir se représenter. »
« Je ne vois pas qui aujourd’hui, réussit à capitaliser sur la colère ou, en creux, sur le fait que les gens se retirent de la politique – à part l’extrême droite. »
« Emmanuel Macron est un dingue qui a atteint son niveau d’incompétence en jouant avec le feu politique et alimentant la machine Marine Le Pen. »