Avec la CFDT et les macroniens, les salariés de Nioka et Lannion ont du soucci à se faire! L'exemple par Véolia Suez!
Cette affaire ressemble à une distribution oligarchique d’avantages dans un cercle restreint d’amis privilégiés du pouvoir...
jeudi 8 octobre 2020 par Martine Orange
Blog de l'ANC: association nationale des communistes
http://ancommunistes.org/spip.php?article2514
Lorsque des élus CFDT obéissent directement aux ordres du gouvernement en désobéissant à leurs consignes syndicales. Les deux administrateurs CFDT auraient quitté le Conseil d’Administration de Suez pour ne pas voter, sur ordre de l’Élysée, afin que l’OPA de Véolia sur Suez réussisse ! On ne peut vraiment pas faire confiance à ces gens là ! Qu’on se le dise...(NDLR)
Officiellement, le gouvernement était opposé à la cession de Suez à Veolia, votée lundi au conseil d’Engie. Mais en coulisses, le pouvoir a tout fait pour organiser son impuissance, comme si on lui forçait la main, allant jusqu’à demander aux administrateurs de la CFDT de ne pas voter.
Lundi 5 octobre, le conseil d’administration du géant énergétique Engie a approuvé la vente de sa participation dans Suez, le numéro deux français de la gestion de l’eau et des déchets, à Veolia, numéro un dans ces mêmes activités. Sans que ce dernier donne les moindres garanties sociales et industrielles, prenne le moindre engagement, y compris à l’égard des actionnaires minoritaires.
La seule perspective de recevoir 3,4 milliards d’euros en échange de ses 29,9 % dans Suez a suffi à convaincre la majorité du conseil d’accepter l’offre unique présentée par Veolia. Afin de rendre la situation irréversible, ce dernier devrait racheter au plus vite la participation de son concurrent, parachevant ainsi une attaque menée en à peine un mois.
Pour le gouvernement, qui avait pris fait et cause pour la revente de Suez à Veolia dès le début – selon nos informations, elle a été discutée et approuvée jusqu’au sommet de l’État fin mai, début juin –, cette affaire rondement menée est censée se terminer là.
Il pourrait lourdement se tromper.
Loin de clore le dossier, la cession de la participation de Suez compte tous les ingrédients pour devenir – on hésite à écrire l’expression, tant elle a été utilisée à tort et à travers – une affaire d’État. Une de celles qui risque de coller aux basques d’Emmanuel Macron, encore plus longtemps que l’affaire GE-Alstom, tant elle comporte de zones d’ombre, de connivences, de destructions potentielles.
Car la prise de contrôle de Suez par Veolia – avec 30 % du capital face à un actionnariat éclaté, il devient de fait le maître des lieux – s’annonce comme le contraire d’une promenade de santé. Dès l’annonce de la vente, le conseil d’administration de Suez a redit son opposition à cette opération « hostile ». Regrettant « la précipitation du conseil d’Engie de vouloir décider sans analyse et sans discussion et dialogue préalables d’une offre alternative qui préserve l’intérêt social de Suez », il se dit déterminé dans son communiqué à mettre « en œuvre tous les moyens à sa disposition pour éviter une prise de contrôle rampante ou un contrôle de fait ».
Ce message laisse craindre une bagarre sans fin, juridique, sociale, commerciale, de tous les instants, sur tous les terrains, dont le capitalisme français a le secret.
Mais la bataille risque vite de revenir en boomerang à la tête du gouvernement.
Officiellement, Bruno Le Maire a fait savoir son opposition à la vente de la participation de Suez, les garanties demandées n’ayant pas été réunies. Ordre a même été donné aux trois administrateurs représentant l’État au conseil d’Engie de voter contre ce projet – ce qu’ils ont fait.
Mais, en coulisses, tout a été mis en œuvre pour organiser la défaite de l’État actionnaire. Et le conseil d’Engie du 5 octobre s’apparente à une journée des dupes où l’État a tout fait pour mettre en scène sa propre impuissance, où il a semblé devoir s’incliner devant des forces adverses, alors qu’il n’a cessé de les encourager en sous-main.
Car ce conseil était celui de la dernière chance pour les partisans de Veolia, celui où ils pouvaient encore espérer l’emporter. « S’ils laissaient passer cette dernière fenêtre de tir, c’en était fini. Ils n’avaient pas prévu que cette cession susciterait tant d’oppositions et de critiques. Et celles-ci sont de plus en plus fortes. Même la majorité est en train de se déchirer sur le sujet : des parlementaires ont déposé une proposition de loi pour interdire toute OPA en période d’état d’urgence. Plus le temps passait, plus le projet risquait de capoter », explique un connaisseur du dossier.
Même au sein du conseil, l’unanimité était en train de se fissurer. Alors que sur les treize administrateurs, tous, sauf celui de la CGT, étaient favorables à l’offre de Veolia au départ, le soutien s’est fait de plus en plus fragile.
Le gouvernement, pour donner le change, dit qu’il est contre. Mais l’alerte la plus grave est du côté de la CFDT. Jusqu’alors, les administrateurs de la confédération de Laurent Berger soutenaient le projet. Mais en fin de semaine, le revirement est total : la CFDT Énergie, à laquelle adhèrent les syndicats de Suez et de Veolia, prend position contre l’OPA lancée par Veolia, demande du temps pour que des offres alternatives puissent voir le jour, et des garanties et des éclaircissements.
Et Laurent Berger soutient cette position.
D’autant qu’une solution alternative est en train d’émerger. Le 1er octobre, le fonds Ardian (ex-Axa Equity), qui gère 100 milliards de dollars d’actifs, se déclare intéressé pour monter une solution de reprise pour Suez. Il a plusieurs partenaires déjà à ses côtés, dont le fonds Antin, le fonds singapourien GIS. D’autres fonds souverains, après cette déclaration, se sont dits éventuellement intéressés à participer au tour de table.
Le projet a tout pour lui : il garantit l’intégrité industrielle du groupe, le maintien des salariés, le respect des actionnaires minoritaires, puisque une OPA serait lancée sur la totalité du capital et non sur 29,9 %, résout tous les problèmes de concurrence et de souveraineté. Il a le soutien du conseil de Suez, de sa direction et de l’intersyndicale. Un projet très dangereux pour Veolia et ses partisans, qui avaient réussi jusqu’alors à dissuader toute autre candidature.
Accueil > Actualité Politique et Sociale > Suez-Veolia : la journée des dupes !
Cette affaire ressemble à une distribution oligarchique d’avantages dans un cercle restreint d’amis privilégiés du pouvoir...
jeudi 8 octobre 2020 par Martine Orange
Lorsque des élus CFDT obéissent directement aux ordres du gouvernement en désobéissant à leurs consignes syndicales. Les deux administrateurs CFDT auraient quitté le Conseil d’Administration de Suez pour ne pas voter, sur ordre de l’Élysée, afin que l’OPA de Véolia sur Suez réussisse ! On ne peut vraiment pas faire confiance à ces gens là ! Qu’on se le dise...(NDLR)
Officiellement, le gouvernement était opposé à la cession de Suez à Veolia, votée lundi au conseil d’Engie. Mais en coulisses, le pouvoir a tout fait pour organiser son impuissance, comme si on lui forçait la main, allant jusqu’à demander aux administrateurs de la CFDT de ne pas voter.
Lundi 5 octobre, le conseil d’administration du géant énergétique Engie a approuvé la vente de sa participation dans Suez, le numéro deux français de la gestion de l’eau et des déchets, à Veolia, numéro un dans ces mêmes activités. Sans que ce dernier donne les moindres garanties sociales et industrielles, prenne le moindre engagement, y compris à l’égard des actionnaires minoritaires.
La seule perspective de recevoir 3,4 milliards d’euros en échange de ses 29,9 % dans Suez a suffi à convaincre la majorité du conseil d’accepter l’offre unique présentée par Veolia. Afin de rendre la situation irréversible, ce dernier devrait racheter au plus vite la participation de son concurrent, parachevant ainsi une attaque menée en à peine un mois.
Pour le gouvernement, qui avait pris fait et cause pour la revente de Suez à Veolia dès le début – selon nos informations, elle a été discutée et approuvée jusqu’au sommet de l’État fin mai, début juin –, cette affaire rondement menée est censée se terminer là.
Il pourrait lourdement se tromper.
Loin de clore le dossier, la cession de la participation de Suez compte tous les ingrédients pour devenir – on hésite à écrire l’expression, tant elle a été utilisée à tort et à travers – une affaire d’État. Une de celles qui risque de coller aux basques d’Emmanuel Macron, encore plus longtemps que l’affaire GE-Alstom, tant elle comporte de zones d’ombre, de connivences, de destructions potentielles.
Car la prise de contrôle de Suez par Veolia – avec 30 % du capital face à un actionnariat éclaté, il devient de fait le maître des lieux – s’annonce comme le contraire d’une promenade de santé. Dès l’annonce de la vente, le conseil d’administration de Suez a redit son opposition à cette opération « hostile ». Regrettant « la précipitation du conseil d’Engie de vouloir décider sans analyse et sans discussion et dialogue préalables d’une offre alternative qui préserve l’intérêt social de Suez », il se dit déterminé dans son communiqué à mettre « en œuvre tous les moyens à sa disposition pour éviter une prise de contrôle rampante ou un contrôle de fait ».
Ce message laisse craindre une bagarre sans fin, juridique, sociale, commerciale, de tous les instants, sur tous les terrains, dont le capitalisme français a le secret.
Mais la bataille risque vite de revenir en boomerang à la tête du gouvernement.
Officiellement, Bruno Le Maire a fait savoir son opposition à la vente de la participation de Suez, les garanties demandées n’ayant pas été réunies. Ordre a même été donné aux trois administrateurs représentant l’État au conseil d’Engie de voter contre ce projet – ce qu’ils ont fait.
Mais, en coulisses, tout a été mis en œuvre pour organiser la défaite de l’État actionnaire. Et le conseil d’Engie du 5 octobre s’apparente à une journée des dupes où l’État a tout fait pour mettre en scène sa propre impuissance, où il a semblé devoir s’incliner devant des forces adverses, alors qu’il n’a cessé de les encourager en sous-main.
Car ce conseil était celui de la dernière chance pour les partisans de Veolia, celui où ils pouvaient encore espérer l’emporter. « S’ils laissaient passer cette dernière fenêtre de tir, c’en était fini. Ils n’avaient pas prévu que cette cession susciterait tant d’oppositions et de critiques. Et celles-ci sont de plus en plus fortes. Même la majorité est en train de se déchirer sur le sujet : des parlementaires ont déposé une proposition de loi pour interdire toute OPA en période d’état d’urgence. Plus le temps passait, plus le projet risquait de capoter », explique un connaisseur du dossier.
Même au sein du conseil, l’unanimité était en train de se fissurer. Alors que sur les treize administrateurs, tous, sauf celui de la CGT, étaient favorables à l’offre de Veolia au départ, le soutien s’est fait de plus en plus fragile.
Le gouvernement, pour donner le change, dit qu’il est contre. Mais l’alerte la plus grave est du côté de la CFDT. Jusqu’alors, les administrateurs de la confédération de Laurent Berger soutenaient le projet. Mais en fin de semaine, le revirement est total : la CFDT Énergie, à laquelle adhèrent les syndicats de Suez et de Veolia, prend position contre l’OPA lancée par Veolia, demande du temps pour que des offres alternatives puissent voir le jour, et des garanties et des éclaircissements.
Et Laurent Berger soutient cette position.
D’autant qu’une solution alternative est en train d’émerger. Le 1er octobre, le fonds Ardian (ex-Axa Equity), qui gère 100 milliards de dollars d’actifs, se déclare intéressé pour monter une solution de reprise pour Suez. Il a plusieurs partenaires déjà à ses côtés, dont le fonds Antin, le fonds singapourien GIS. D’autres fonds souverains, après cette déclaration, se sont dits éventuellement intéressés à participer au tour de table.
Le projet a tout pour lui : il garantit l’intégrité industrielle du groupe, le maintien des salariés, le respect des actionnaires minoritaires, puisque une OPA serait lancée sur la totalité du capital et non sur 29,9 %, résout tous les problèmes de concurrence et de souveraineté. Il a le soutien du conseil de Suez, de sa direction et de l’intersyndicale. Un projet très dangereux pour Veolia et ses partisans, qui avaient réussi jusqu’alors à dissuader toute autre candidature.
La seule condition que demande le fonds Ardian est un peu de temps afin de construire une offre de reprise raisonnable, « au moins six semaines » disent ses représentants. Ce que s’empresse de lui refuser le président d’Engie : une offre ferme et chiffrée doit être déposée au plus tard lundi. Tout au long du week-end, les pressions se multiplieront de toutes parts, jusqu’au sommet de l’État selon nos informations, pour pousser le fonds Ardian à renoncer.
Lundi dans l’après-midi, celui-ci jette l’éponge. « Suite à l’expression de son intérêt, Ardian a travaillé sur une offre soutenue par les salariés de Suez et son conseil et nécessitant six semaines de due diligence. Cependant, Ardian, fidèle aux principes de négociations non hostiles, a décidé de ne pas déposer d’offre pour laisser le temps aux discussions en cours », explique-t-il dans un communiqué.
Le terrain est dégagé pour Veolia. Il n’y a plus d’offre concurrente. Mais la partie n’est pas gagnée pour autant. « Au dernier pointage avant le conseil, Jean-Pierre Clamadieu [le président du conseil d’Engie – ndlr] s’est rendu compte que la partie n’était pas gagnée. Sur les treize administrateurs, les six administrateurs indépendants allaient voter pour naturellement, les représentants de l’État, sur ordre, seraient obligés de voter contre.
La CGT allait voter contre. Restaient les administrateurs de la CFDT, un représentant les salariés, l’autre les actionnaires salariés. Compte tenu de la position de la CFDT Énergie, ceux-ci doivent normalement voter contre ou s’abstenir.
Plus grave : ils risquent d’entraîner avec eux l’administrateur de la CFE-CGC, qui jusque-là était favorable, mais pourrait être tenté de rallier les autres administrateurs salariés.
Et là, cela aurait été sept contre face à six pour, et le projet était mort », raconte un proche du dossier.
Pour Jean-Pierre Clamadieu, pour Antoine Frérot mais encore plus pour l’Élysée, un tel camouflet est impossible : cette opération doit se faire coûte que coûte.
Toute la pression va être mise sur les administrateurs de la CFDT afin de les dissuader de participer au vote.
À l’issue du conseil d’administration, le gouvernement a été obligé de reconnaître ce qui avait fuité sur les réseaux sociaux : les deux administrateurs de la CFDT n’avaient pas pris part au vote. Mais cela « n’est pas de nature à remettre en cause la confiance que nous avons dans la gouvernance d’Engie », a fait savoir Bercy dès le lundi soir.
Se répandant en confidences, le ministère des finances pointe le rôle de Jean-Pierre Clamadieu, qui aurait su « habilement » détacher les administrateurs de la CFDT de la position de leur fédération.
Selon nos informations, cela a été au-delà. Jusqu’à l’Élysée, jusqu’au secrétaire général de l’Élysée, Alexis Kohler, plus exactement, qui paraît avoir très actif sur ce dossier, selon de nombreux témoignages. « Alexis Kohler a téléphoné aux représentants de la CFDT pour leur demander de ne pas participer au vote » , nous informait une source, en fin d’après-midi, avant même la tenue du conseil.
Ce que nous confirmaient deux autres témoins par la suite. Tout s’est passé comme annoncé : au moment du vote, les deux représentants de la CFDT ont quitté la salle et n’ont pas participé au vote.
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Cette affaire ressemble à une distribution oligarchique d’avantages dans un cercle restreint d’amis privilégiés du pouvoir...
jeudi 8 octobre 2020 par Martine Orange
Lorsque des élus CFDT obéissent directement aux ordres du gouvernement en désobéissant à leurs consignes syndicales. Les deux administrateurs CFDT auraient quitté le Conseil d’Administration de Suez pour ne pas voter, sur ordre de l’Élysée, afin que l’OPA de Véolia sur Suez réussisse ! On ne peut vraiment pas faire confiance à ces gens là ! Qu’on se le dise...(NDLR)
Officiellement, le gouvernement était opposé à la cession de Suez à Veolia, votée lundi au conseil d’Engie. Mais en coulisses, le pouvoir a tout fait pour organiser son impuissance, comme si on lui forçait la main, allant jusqu’à demander aux administrateurs de la CFDT de ne pas voter.
Lundi 5 octobre, le conseil d’administration du géant énergétique Engie a approuvé la vente de sa participation dans Suez, le numéro deux français de la gestion de l’eau et des déchets, à Veolia, numéro un dans ces mêmes activités. Sans que ce dernier donne les moindres garanties sociales et industrielles, prenne le moindre engagement, y compris à l’égard des actionnaires minoritaires.
La seule perspective de recevoir 3,4 milliards d’euros en échange de ses 29,9 % dans Suez a suffi à convaincre la majorité du conseil d’accepter l’offre unique présentée par Veolia. Afin de rendre la situation irréversible, ce dernier devrait racheter au plus vite la participation de son concurrent, parachevant ainsi une attaque menée en à peine un mois.
Pour le gouvernement, qui avait pris fait et cause pour la revente de Suez à Veolia dès le début – selon nos informations, elle a été discutée et approuvée jusqu’au sommet de l’État fin mai, début juin –, cette affaire rondement menée est censée se terminer là.
Il pourrait lourdement se tromper.
Loin de clore le dossier, la cession de la participation de Suez compte tous les ingrédients pour devenir – on hésite à écrire l’expression, tant elle a été utilisée à tort et à travers – une affaire d’État. Une de celles qui risque de coller aux basques d’Emmanuel Macron, encore plus longtemps que l’affaire GE-Alstom, tant elle comporte de zones d’ombre, de connivences, de destructions potentielles.
Car la prise de contrôle de Suez par Veolia – avec 30 % du capital face à un actionnariat éclaté, il devient de fait le maître des lieux – s’annonce comme le contraire d’une promenade de santé. Dès l’annonce de la vente, le conseil d’administration de Suez a redit son opposition à cette opération « hostile ». Regrettant « la précipitation du conseil d’Engie de vouloir décider sans analyse et sans discussion et dialogue préalables d’une offre alternative qui préserve l’intérêt social de Suez », il se dit déterminé dans son communiqué à mettre « en œuvre tous les moyens à sa disposition pour éviter une prise de contrôle rampante ou un contrôle de fait ».
Ce message laisse craindre une bagarre sans fin, juridique, sociale, commerciale, de tous les instants, sur tous les terrains, dont le capitalisme français a le secret.
Mais la bataille risque vite de revenir en boomerang à la tête du gouvernement.
Officiellement, Bruno Le Maire a fait savoir son opposition à la vente de la participation de Suez, les garanties demandées n’ayant pas été réunies. Ordre a même été donné aux trois administrateurs représentant l’État au conseil d’Engie de voter contre ce projet – ce qu’ils ont fait.
Mais, en coulisses, tout a été mis en œuvre pour organiser la défaite de l’État actionnaire. Et le conseil d’Engie du 5 octobre s’apparente à une journée des dupes où l’État a tout fait pour mettre en scène sa propre impuissance, où il a semblé devoir s’incliner devant des forces adverses, alors qu’il n’a cessé de les encourager en sous-main.
Car ce conseil était celui de la dernière chance pour les partisans de Veolia, celui où ils pouvaient encore espérer l’emporter. « S’ils laissaient passer cette dernière fenêtre de tir, c’en était fini. Ils n’avaient pas prévu que cette cession susciterait tant d’oppositions et de critiques. Et celles-ci sont de plus en plus fortes. Même la majorité est en train de se déchirer sur le sujet : des parlementaires ont déposé une proposition de loi pour interdire toute OPA en période d’état d’urgence. Plus le temps passait, plus le projet risquait de capoter », explique un connaisseur du dossier.
Même au sein du conseil, l’unanimité était en train de se fissurer. Alors que sur les treize administrateurs, tous, sauf celui de la CGT, étaient favorables à l’offre de Veolia au départ, le soutien s’est fait de plus en plus fragile.
Le gouvernement, pour donner le change, dit qu’il est contre. Mais l’alerte la plus grave est du côté de la CFDT. Jusqu’alors, les administrateurs de la confédération de Laurent Berger soutenaient le projet. Mais en fin de semaine, le revirement est total : la CFDT Énergie, à laquelle adhèrent les syndicats de Suez et de Veolia, prend position contre l’OPA lancée par Veolia, demande du temps pour que des offres alternatives puissent voir le jour, et des garanties et des éclaircissements.
Et Laurent Berger soutient cette position.
D’autant qu’une solution alternative est en train d’émerger. Le 1er octobre, le fonds Ardian (ex-Axa Equity), qui gère 100 milliards de dollars d’actifs, se déclare intéressé pour monter une solution de reprise pour Suez. Il a plusieurs partenaires déjà à ses côtés, dont le fonds Antin, le fonds singapourien GIS. D’autres fonds souverains, après cette déclaration, se sont dits éventuellement intéressés à participer au tour de table.
Le projet a tout pour lui : il garantit l’intégrité industrielle du groupe, le maintien des salariés, le respect des actionnaires minoritaires, puisque une OPA serait lancée sur la totalité du capital et non sur 29,9 %, résout tous les problèmes de concurrence et de souveraineté. Il a le soutien du conseil de Suez, de sa direction et de l’intersyndicale. Un projet très dangereux pour Veolia et ses partisans, qui avaient réussi jusqu’alors à dissuader toute autre candidature.
La seule condition que demande le fonds Ardian est un peu de temps afin de construire une offre de reprise raisonnable, « au moins six semaines » disent ses représentants. Ce que s’empresse de lui refuser le président d’Engie : une offre ferme et chiffrée doit être déposée au plus tard lundi. Tout au long du week-end, les pressions se multiplieront de toutes parts, jusqu’au sommet de l’État selon nos informations, pour pousser le fonds Ardian à renoncer.
Lundi dans l’après-midi, celui-ci jette l’éponge. « Suite à l’expression de son intérêt, Ardian a travaillé sur une offre soutenue par les salariés de Suez et son conseil et nécessitant six semaines de due diligence. Cependant, Ardian, fidèle aux principes de négociations non hostiles, a décidé de ne pas déposer d’offre pour laisser le temps aux discussions en cours », explique-t-il dans un communiqué.
Le terrain est dégagé pour Veolia. Il n’y a plus d’offre concurrente. Mais la partie n’est pas gagnée pour autant. « Au dernier pointage avant le conseil, Jean-Pierre Clamadieu [le président du conseil d’Engie – ndlr] s’est rendu compte que la partie n’était pas gagnée. Sur les treize administrateurs, les six administrateurs indépendants allaient voter pour naturellement, les représentants de l’État, sur ordre, seraient obligés de voter contre.
La CGT allait voter contre. Restaient les administrateurs de la CFDT, un représentant les salariés, l’autre les actionnaires salariés. Compte tenu de la position de la CFDT Énergie, ceux-ci doivent normalement voter contre ou s’abstenir.
Plus grave : ils risquent d’entraîner avec eux l’administrateur de la CFE-CGC, qui jusque-là était favorable, mais pourrait être tenté de rallier les autres administrateurs salariés.
Et là, cela aurait été sept contre face à six pour, et le projet était mort », raconte un proche du dossier.
Pour Jean-Pierre Clamadieu, pour Antoine Frérot mais encore plus pour l’Élysée, un tel camouflet est impossible : cette opération doit se faire coûte que coûte.
Toute la pression va être mise sur les administrateurs de la CFDT afin de les dissuader de participer au vote.
À l’issue du conseil d’administration, le gouvernement a été obligé de reconnaître ce qui avait fuité sur les réseaux sociaux : les deux administrateurs de la CFDT n’avaient pas pris part au vote. Mais cela « n’est pas de nature à remettre en cause la confiance que nous avons dans la gouvernance d’Engie », a fait savoir Bercy dès le lundi soir.
Se répandant en confidences, le ministère des finances pointe le rôle de Jean-Pierre Clamadieu, qui aurait su « habilement » détacher les administrateurs de la CFDT de la position de leur fédération.
Selon nos informations, cela a été au-delà. Jusqu’à l’Élysée, jusqu’au secrétaire général de l’Élysée, Alexis Kohler, plus exactement, qui paraît avoir très actif sur ce dossier, selon de nombreux témoignages. « Alexis Kohler a téléphoné aux représentants de la CFDT pour leur demander de ne pas participer au vote » , nous informait une source, en fin d’après-midi, avant même la tenue du conseil.
Ce que nous confirmaient deux autres témoins par la suite. Tout s’est passé comme annoncé : au moment du vote, les deux représentants de la CFDT ont quitté la salle et n’ont pas participé au vote.
Interrogé, l’Élysée n’a pas donné suite à nos questions. De son côté, la CFDT dit « ne pas être au courant d’un éventuel appel d’Alexis Kohler » à ses représentants au conseil d’Engie. « Mais Laurent Berger avait effectivement donné consigne à ses représentants de voter contre ou de s’abstenir sur la cession de Suez, conformément à la position de notre fédération Energie, assure le porte-parole de la confédération syndicale. Laurent Berger reste sur sa position. Il soutient la position de la fédération et demande du temps afin de garantir une solution qui assure le maintien du groupe et préserve les salariés. »
Alors que les représentants de la CFDT ont pour habitude de respecter les consignes de leur fédération ou de leur confédération, l’attitude de deux représentants au conseil d’Engie pose question.
De quels arguments, de quels moyens de pression disposent le groupe et plus généralement le pouvoir pour les amener à enfreindre les consignes de vote données expressément par Laurent Berger ?
« Tout est scandaleusement incompréhensible dans cette affaire »
Le résultat escompté par le pouvoir, en tout cas, est là : sur les treize administrateurs au conseil d’Engie, les six administrateurs indépendants ont voté pour. Bien que la CFE-CGC ait pris position au niveau confédéral contre l’OPA, son administrateur, qui n’avait pas reçu de consigne de vote, comme nous l’a confirmé François Hommeril, a aussi voté pour, comme l’espérait la direction d’Engie.
En face, les trois représentants de l’État et la CGT ont voté contre.
Sept contre quatre : la décision paraît sans appel, comme le souhaitait le pouvoir. Mis en minorité au conseil, l’État est bien obligé de s’incliner devant les décisions de la majorité. À l’insu de son plein gré, a-t-on envie de rajouter.
Dans cette affaire, Bruno Le Maire, qui n’a cessé de plaider pour une opération amicale offrant toutes les garanties sociales et industrielles, a-t-il vraiment cru à ce qu’il défendait ?
A-t-il perdu tous ses arbitrages face à plus puissant que lui, y compris face à une partie de son administration, notamment l’Agence des participations de l’État, qui semble plus obéir aux consignes venues de l’Élysée que du cabinet du ministre ?
Ou a-t-il simplement tenu un jeu de rôles, pour donner le change et se protéger en cas de poursuites judiciaires ?
Beaucoup avouent ne pas savoir répondre à ces questions, tant tout, de bout en bout, leur paraît insensé dans cette affaire.
« Un actionnaire privé qui cherche à valoriser au mieux sa participation, s’appuie sur la concurrence, favorise des solutions alternatives, se donne du temps afin d’obtenir le meilleur prix. Or l’État n’a rien fait de cela. Il n’a accepté qu’une seule offre, a dissuadé toutes les autres, et a imposé de boucler le tout dans un temps record. D’autant que l’État n’est pas un actionnaire comme les autres, il est le garant de l’intérêt général. Dans le cas de Suez, il s’est assis sur tout, la préservation d’un groupe industriel, le maintien de l’emploi, le respect du droit » , souligne Jean-Pierre Mignard, avocat de l’intersyndicale (CFE-CGC, CFDT, CGT, FO) de Suez.
Surpris par l’opacité qui entoure ce dossier, il a fait, au nom de l’intersyndicale, un signalement auprès du Parquet national financier et du parquet général, dès lundi matin.
« Tout est scandaleusement incompréhensible dans cette affaire. Jusqu’à présent, le gouvernement n’a pas articulé une seule raison valable pour la justifier », poursuit un vieux connaisseur des arcanes du monde politique.
À un moment, le gouvernement, Veolia et Engie ont tenté d’entonner l’air du champion national. Mais ils ont vite cessé, tant cette opération, comme l’ont été celles de GE-Alstom, Alcatel Nokia, Technip FCM ou Lafarge-Holcim, pour ne citer que les plus récentes, est porteuse de destructions industrielles et sociales.
Le démantèlement de Suez est inéluctable, ne serait-ce que pour se conformer aux impératifs de concurrence. Condamné à vivre dans l’incertitude et l’hostilité pendant deux ans, le groupe risque de toute façon de n’être plus que l’ombre de lui-même avant même que Veolia n’en ait pris le contrôle total.
Mais le sort de Veolia n’est pas plus assuré : déjà fortement endetté, il va s’endetter encore plus pour reprendre un concurrent presque aussi gros que lui et va se retrouver empêtré dans une réorganisation sans fin dans des métiers matures, au lieu d’investir dans de nouveaux domaines.
Quant à l’emploi, les pertes se chiffreraient au moins à 10 000 postes dans le monde, selon les premières estimations de Suez. Il n’y a que la ministre de travail, Élisabeth Borne, pour assurer qu’Antoine Frérot, le patron de Veolia, lui avait donné des garanties sociales.
Il n’en a donné aucune.
Même Engie ne sort pas renforcé dans cette affaire. Cet épisode a illustré une nouvelle fois la désastreuse gouvernance de ce groupe, avec un État actionnaire qui avalise tous les errements. Jusqu’à la nomination surprise le 2 septembre, après plus de neuf mois d’attente, de la nouvelle directrice générale du groupe : Catherine MacGregor.
N’ayant suivi aucune des procédures de sélection, cette ancienne numéro trois de Technip FCM a été imposée au dernier moment par le président du conseil, Jean-Pierre Clamadieu.
Selon les informations publiées par Challenges et qui nous ont été confirmées par la suite, il a fallu qu’Alexis Kohler, décidément très présent, s’en mêle et appelle les quatre administrateurs indépendants récalcitrants, dont Françoise Malrieu et Ross McInnes, pour les convaincre de voter pour cette candidate, afin d’éviter un camouflet à Jean-Pierre Clamadieu à trois jours du conseil décisif sur Suez.
Les 3,4 milliards d’euros obtenus de la vente de Suez, censés soutenir son recentrage et son développement dans les énergies renouvelables, ne sont pas une assurance : ils risquent d’être dilapidés à la même vitesse que l’ont été tous les autres actifs précédemment, faisant d’Engie un cas historique de destruction de valeur.
Pour les salariés du groupe, tout ceci de toute façon n’est qu’un prétexte. « Suez, c’est la première étape du démantèlement d’Engie », pronostique un ancien cadre du groupe toujours très au fait de ce qui s’y passe. Il déroule un scénario qui lui semble écrit par avance : « Début 2021, le groupe va se séparer de toutes ses activités dans les réseaux de chaleur et de climatisation et les métiers annexes.
Après, en fonction des discussions avec le gouvernement belge sur les centrales nucléaires en Belgique, toutes les activités internationales de production d’électricité seront transférées à Tractebel, ce qui est déjà le cas en termes opérationnels. Il ne restera que l’ancien GDF, mais un GDF réduit puisqu’il a perdu ses activités d’exploration-production et ses terminaux méthaniers, et quelques investissements dans les énergies renouvelables. Et dans deux ans, on nous dira qu’on est trop petit, qu’il faut se marier. Et l’allié, ce sera Total. Les gens de Total le disent déjà à nos commerciaux sur le terrain. » « Parce qu’il faut bien faire plaisir aux amis », conclut-il.
Alors que le pouvoir se montrait insensible aux arguments économiques, industriels et sociaux, d’autres interlocuteurs ont tenté d’infléchir la position du gouvernement en avançant des raisons politiques. Plusieurs élus de droite sont allés jusqu’à l’Élysée et Matignon, selon nos informations, pour faire valoir que cette opération était une imbécillité dangereuse.
S’il n’y a plus qu’un monopole privé, les écologistes auront toutes les raisons pour demander la remunicipalisation de l’eau, voire des déchets, ont-ils fait valoir. Cela ne pourra que les renforcer, ont-ils insisté. L’argument n’a pas plus porté que les précédents. « Les territoires, les élus locaux, ils s’en foutent. La seule chose qui les intéresse est de garder le contrôle de l’État », s’énerve un élu.
Même la majorité, inquiète voire hostile à cette opération, est montée au créneau. Certains élus ont fait valoir que cette affaire allait plomber et pourrir la campagne présidentielle. « Début 2022, ce sera le moment où les injonctions des autorités de la concurrence vont tomber, où on parlera des actifs à céder, des emplois à supprimer. On ne parle même pas des opérations boursières, du lancement de l’OPA, du prix à laquelle elle se fera et qui ne sera pas les 18 euros par action qu’a consenti Veolia à Engie, des actionnaires minoritaires mécontents. Toute la campagne présidentielle risque d’être polluée par Suez », prédit un conseiller.
Mais ces considérations n’ont pas plus ébranlé l’Élysée que les autres.
Pourquoi Emmanuel Macron s’obstine-t-il tant ?
« Je n’ai aucune explication raisonnable à donner », reconnaît un politique. « Cette affaire ressemble à une distribution oligarchique d’avantages dans un cercle restreint d’amis privilégiés du pouvoir », accuse de son côté Arnaud Montebourg dans une lettre écrite au vitriol au premier ministre et qu’il a rendue publique samedi.
L’atmosphère d’opacité, de connivence, d’entre-soi qui entoure l’opération Suez, l’incompréhension qu’elle suscite, l’incapacité du gouvernement d’articuler le début d’une justification rationnelle et pour finir cette mascarade pour organiser son impuissance et se dédouaner, ne cessent de nourrir les soupçons.
Même si le gouvernement pense en avoir fini, l’affaire ne fait peut-être que commencer. Selon nos informations, le Sénat devrait ouvrir une commission d’enquête sur les conditions de la vente de Suez dans les tout prochains jours.
Photo : Plus d’une centaine de salariés du groupe Suez -400 selon la CGT- ont manifesté ce mardi devant la Tour Engie de la Défense à l’appel de l’intersyndicale pour protester contre l’OPA projetée par Veolia - Eric Piermont. Ludovic Marin. AFP