Séparatismes: point de vue de MS21
Nous donnons la parole à un petit mouvement. Issus du M'PEP, bref des dissidents de dissidents communistes. Un galaxie aux nombreux objets de taille variable, mais comme chez leurs lointains cousins trotskystes en plus d'une forte tendance à se diviser il y a parfois des analyses qui ne manquent ni d'intérêt ni d'originalité.
SEPARATISMES ?
Le gouvernement d'Emmanuel Macron cherche à redorer son blason républicain sérieusement terni depuis fort longtemps par la crise des Gilets Jaunes et par la crise sanitaire. Dans le cadre stratégique du « en même temps de gauche et de droite » le gouvernement veut se faire un lifting démocratique « progressiste » en surfant sur le fort attachement (justifié) des Français à la laïcité.
Aussi, une offensive médiatique et politique a-t-elle été lancée par la promotion du « projet de loi contre le séparatisme » rebaptisé récemment « projet de loi confortant le respect des principes de la République ». Il s'agit de prendre des mesures législatives, qui, si elles s'adressent à toutes les confessions religieuses, ciblent principalement le développement de l'Islam politique.
Le projet de loi prévoit un contrôle accru des associations sur leur respect des valeurs de la République, le renforcement du respect de l'obligation de neutralité pour les organismes publics. Il propose d'interdire la délivrance de certificats de virginité pour les femmes par certains médecins, de développer les investigations sur les mariages forcés. La scolarisation à domicile des enfants de plus de 3 ans serait interdite (sauf pour raisons médicales), le contrôle sur les écoles privées hors contrat serait renforcé. Les associations cultuelles sous le régime de la loi de 1901 seraient incitées à basculer sur celui de la loi de 1905 afin de favoriser la transparence sur leur financement (1).
Le communautarisme est un séparatisme
Ce projet est critiquable sur nombre de points :
- Maintien du régime concordataire en Alsace-Moselle, Guyane et certaines collectivités d'Outre-Mer.
- Autorisation pour les cultes de détenir et gérer des immeubles de rapport. La loi de 1905 précise pourtant que les associations cultuelles ont pour « objet exclusif l’exercice du culte ». Ce patrimoine pourrait ainsi profiter des avantages fiscaux réservés aux bâtiments cultuels (exemption de la taxe foncière...) Il s'agit d'une « subvention fiscale » interdite par l’art. 2 de la loi de 1905.
- Restrictions à la liberté d’enseignement et à la liberté associative du fait de l'accroissement des mesures de contrôle administratif et financier et des sanctions pénales afférentes.
Néanmoins, nous estimons que ce projet de loi va plutôt dans le bon sens. S'opposer au projet politique macroniste ne dispense pas de voir certaines réalités en face. En effet, il ne fait pas de doutes que le projet politique porté par l'islamisme est une forme de séparatisme qui vise à dresser les musulmans contre les autres citoyens français afin de créer une société séparée au sein de notre République. Cette société serait régie par des lois particulièrement rétrogrades qui s'imposeraient à tous les musulmans, qui pourtant dans leur majorité vivent leur pratique religieuse paisiblement dans le cadre républicain.
Malheureusement, une partie de la gauche apporte de l'eau au moulin macroniste et lepéniste en montrant de dangereuses affinités avec ces courants communautaristes. D'autre part, la volonté du gouvernement d'encourager la création d’un « islam de France » qui serait « l’interlocuteur des pouvoirs publics » est contraire aux principes laïques et relève plutôt d'une logique concordataire. Cette démarche ambiguë est d'autant plus périlleuse que les Frères Musulmans sont pleinement inclus dans le cadre de ces discussions.
Il faut donc lutter sans faille contre ce danger mortel pour notre démocratie. Cela étant posé, il nous apparaît qu'un séparatisme pourrait bien en cacher un autre, favorable au projet macroniste...
Le séparatisme des riches : la sécession des élites
Jérôme Fourquet, politologue et directeur du pôle « opinions et stratégies d'entreprise » de l'IFOP n'hésite pas à parler de « séparatisme social » pour les catégories supérieures dans son rapport « 1985-2017 : quand les classes favorisées ont fait sécession »(2).
Jérôme Fourquet décrit un processus par lequel les classes supérieures se coupent de plus en plus du reste de la population (classes moyennes et classes populaires). Ils ne côtoient plus le « tout venant », leur jeu social se réalise de plus en plus en circuit fermé au sein de leur classe sociale. Il y a une « autonomisation d’une partie des catégories les plus favorisées, qui se sentent de moins en moins liées par un destin commun au reste de la collectivité nationale, au point que certains de leurs membres ont fait sécession ». La mixité sociale se réduit comme peau de chagrin.
Les éléments qui viennent accréditer la thèse de Jérôme Fourquet sont particulièrement significatifs :
* La proportion de cadres vivant au sein des grandes métropoles ne cesse d'augmenter. Ainsi à Paris la proportion de cadres et professions intellectuelles est passée de 24,7 % de la population active en 1982 à 46,4 % en 2013, concernant les ouvriers la proportion passe de 18,2 % à 6,9 %. Certes, les milieux sociaux ne se sont jamais beaucoup mélangés, mais aujourd'hui il n'y a même plus l'occasion ou la nécessité pour les classes supérieures de côtoyer les autres classes sociales. Ils peuvent se contenter de prospérer en parfaite autarcie. On parle souvent de gentrification de Paris et des grandes villes.
A ce phénomène on peut rajouter celui du développement des résidences fermées protégées par des murs, des grillages, des systèmes de vidéosurveillance. Ces résidences constituent de vrais « ghettos de riches » qui isolent leurs habitants aisés du monde extérieur et accentuent encore plus cette culture de l'entre-soi.
* Les classes supérieures inscrivent leurs enfants de plus en plus dans l'école privée : 36 % des élèves dans le secteur privé viennent des classes favorisées en 2012 contre 26 % en 1984. Ils contournent ainsi la carte scolaire pour offrir à leurs enfants une éducation « haut de gamme ». A l'inverse, la majorité des enfants les plus défavorisés fréquentent des écoles publiques. Dans l'enseignement supérieur, la concentration des enfants des classes favorisées s'est également nettement intensifiée. La ségrégation spatiale se double donc d'une ségrégation scolaire.
* La fin du service militaire en 2001 a mis fin au brassage entre classes sociales ce qui a contribué à affaiblir le sentiment d'appartenir à une Nation commune. Emmanuel Macron est le premier Président de la Ve République à ne pas avoir accompli son service militaire....
* Les classes supérieures n'envoient plus leurs enfants dans les colonies de vacances généralistes préférant les adresser à des colonies privées organisant des séjours à thème. Le brassage social ne s'y fait plus comme dans les colonies classiques.
* Le clivage « France d'en haut et France d'en bas » se cristallise de plus en plus dans la composition des partis politiques et dans le résultat des élections. Ainsi, au sein du Parti Socialiste la proportion de cadres supérieurs est passée de 19 % en 1985 à 38 % en 2011, celle des ouvriers de 10 % à 3 %...Dans les priorités de ce parti, les sujets sociétaux l'emportent de plus en plus sur les sujets sociaux qui sont pourtant les principales préoccupations des classes moyennes et populaires. « le séparatisme social qui s’est développé en France dans les catégories les plus favorisées et diplômées de la population au cours des trente dernières années a progressivement engendré chez elles un recul du sentiment d’appartenance à la communauté nationale et de proximité avec elle. Vivant de plus en plus en vase clos, avec peu d’interactions avec les autres parties de la population, ces élites ont de plus en plus de mal à comprendre le reste de la société. Les réactions et les comportements, notamment au plan électoral, des milieux populaires et des classes moyennes échappent souvent à leur entendement » remarque Jérôme Fourquet. La réaction de sidération de l'intelligentsia médiatique française face au résultat du référendum sur le Traité Constitutionnel Européen en 2005 en est une manifestation éclatante...Et que dire du mouvement des Gilets Jaunes ?
* Le recours à l'exil fiscal : les classes supérieures se sentent aujourd'hui bien plus d'affinités avec les personnes de la même classe sociale dans des pays étrangers qu'avec leurs compatriotes moins favorisés. Par conséquent, ils ne manifestent plus guère d'attachement au cadre national. Ils n'ont donc aucun scrupule à s'exiler dans les pays leur offrant un cadre économique et fiscal plus accommodant : le nombre d'assujettis à l'ISF partant à l'étranger est passé de 384 en 2001 à 784 en 2014.
En définitive, les classes sociales supérieures se sentent de plus en plus dégagées de leur devoir moral vis-à-vis de la Nation. Elles vivent de façon complètement décomplexée leur vocation « mondialiste ». Ces évolutions ne se limitent pas au cadre français.
Coralie Delaume est allée jusqu'à parler dans un article publié dans le Figaro en 2018 d'abolition de la démocratie(3). En complément à l'analyse de Jérôme Fourquet, elle a pointé le rôle qu'a joué la construction européenne dans l'affranchissement des classes dirigeantes vis-à-vis du peuple et de la Nation. L'Union Européenne offre un cadre idéal de déresponsabilisation pour nos élites.
Mais certains rêvent d'aller encore beaucoup plus loin...loin de notre humanité ordinaire...
Le séparatisme ultime : le transhumanisme ?
Certains, en effet, comme Raymond Kurzweil, spécialiste de l'Intelligence artificielle pour Google, projettent d'améliorer la condition humaine par la technologie (informatique, robotique, génétique...) en vue d'augmenter considérablement les capacités physiques et mentales de l'être humain, voire d'atteindre l'immortalité.
Des sociétés comme Google investissent beaucoup d'argent dans ce genre de recherche. Certes, beaucoup de projets transhumanistes relèvent du fantasme de toute-puissance. Mais il n'est pas exclu que certaines avancées technologiques puissent provoquer un jour suffisamment de modifications physiques et mentales sur certains individus pour en faire des « surhommes ». Délire d'amateurs de science-fiction ? Certaines recherches menées dans l'armée préparent déjà l'avènement d'un soldat « augmenté » (4)
Ainsi, les classes dirigeantes « augmentées » disposeraient d'encore plus de pouvoir sur le peuple et pourraient réaliser pleinement leur idéal séparatiste d'avec la majeure partie de l'humanité.
Retrouver le sens du commun
Aujourd'hui, la logique destructrice du capitalisme néolibéral se révèle plus que jamais. Ce système fragilise et fragmente nos sociétés jusqu'à vouloir faire disparaître le sens même de ce qui fait lien entre nous tous : le sentiment d'appartenir à une même humanité.
Le séparatisme des pauvres (communautarisme) et le séparatisme des riches sont liés. Les classes dominantes et la fraction de la population qui les soutient ont contribué, par leur soutien aux politiques néolibérales au développement du séparatisme islamiste. La paupérisation et la précarisation des classes populaires, la raréfaction des services publics, le chômage, la désindustrialisation ont créé un terreau favorable à la montée de ce séparatisme dans certains quartiers. Par ailleurs, les classes dominantes tirent parti de cette situation, dans la mesure où le séparatisme religieux entretient des clivages au sein des classes populaires qui sont préjudiciables aux mobilisations sociales. Les luttes sociales sont détournées vers des luttes ethnico-religieuses qui contribuent au maintien du statu-quo capitaliste.
Il est donc impératif de combattre ces deux séparatismes, chacun à leur niveau, par la promotion d'une politique économico-sociale ambitieuse de rupture avec le néolibéralisme. Le séparatisme religieux, quant à lui, ne pourra être éradiqué qu'en menant conjointement le combat social et le combat laïque.
Au MS21 nous pensons que l'espace de la Nation est le périmètre idéal pour retrouver le sens du commun, pour reconstruire une société véritablement juste et solidaire débarrassée de tous les séparatismes qui la minent. Cet idéal d'unité ne peut prospérer que dans une République « une et indivisible ». Ainsi la reconquête de la démocratie sera alors possible.
Testez mon jeu :)11/02/2021 10:05