Le porte parole du PCF rend hommage au politicien d'extrème droite Devedjan
https://www.revolutionpermanente.fr/Devedjian-Mort-d-un-ancien-facho-ami-des-flics-et-du-patronat
Hommage à l’extrême droite, le dernier acte du « communisme new look »
2 Avril 2020
« Tristesse d’apprendre la mort de Patrick Devedjian. Au delà des divergences politiques, un homme engagé, chaleureux et d’une grande intelligence. Mes pensées pour sa famille et ses proches. » Ainsi s’exprime sur son compte Twitter… Ian Brossat, membre de la direction nationale du PCF, ancienne tête de liste aux élections européennes et satellite accroché à Anne Hidalgo à Paris telle une moule sur son rocher. En ce 29 mars 2020, le tenant du « communisme new look » (comme le qualifiait élogieusement Le Parisien en mai 2019) franchit une nouvelle étape dans l’absurdité politique, témoignage d’un confusionnisme total et d’une euro-mutation – ou plutôt d’une euro-décomposition – frappant le PCF depuis plusieurs décennies.
Tristesse d'apprendre la mort de Patrick Devedjian.
Au delà des divergences politiques, un homme engagé, chaleureux et d'une grande intelligence. Mes pensées pour sa famille et ses proches.
Que Ian Brossat puisse éprouver personnellement de la tristesse à la suite du décès d’une personne, cela est une chose – encore que la bourgeoisie capitaliste et ses alliés fascisants et réactionnaires, eux, font le tri lorsque surviennent des décès et ne se fendent pas de communiqués hypocrites pour pleurer la mort de syndicalistes de combat, de philosophes marxistes de haute volée comme Lucien Sève ou de communistes franchement marxistes-léninistes. Mais de là à exprimer publiquement, et de surcroît à l’encontre d’un anticommuniste, anti-syndicaliste et raciste avéré et notoire, sa « tristesse » compassionnelle, il y a un pas dans l’indécence que vient de franchir allègrement le prétendu « communiste » Ian Brossat. Ne manque plus que l’invitation aux obsèques avec une place d’honneur pour y assister…
Puisque Ian Brossat, qui est fâché avec l’histoire depuis un moment – qu’on se souvienne de ses déclarations sur France Culture fin avril 2019 où il expliquait que contrairement à Marx, lui s’engageait dans le combat pratique [1] : il est vrai que la fondation de la Première Internationale (pour ne prendre que cet exemple) en 1864, ce n’est pas de la pratique… –, éclairons-lui, ainsi qu’à ses affidés, un peu la lanterne fort rouillée.
Car le pedigree de Patrick Devedjian vaut le détour : avec ses copains de jeunesse (et toujours en lien par la suite) Claude Goasguen, Hervé Novelli, Gérard Longuet ou encore Alain Madelin, tous recyclés par le RPR-UMP-« Républicains » (ou ayant franchi le Rubicon comme), il rejoint le groupe Occident (dont le nom est déjà fort significatif…) fondé par le fasciste Pierre Sidos et participe joyeusement aux ratonnades de l’ultra-droite fasciste de la fin des années 1960.
S’il s’éloigne d’Occident au début des années 1970 en plaidant « l’erreur de jeunesse », son rapprochement avec le néolibéralisme, qu’il défend becs et ongles, ne met pas à un terme à ses premiers amours au cœur de son engagement politique : son anticommunisme viscéral, fil brun de son parcours le poussant à s’emparer de la mairie d’Antony (alors détenue par le PCF) en 1983, à s’affirmer comme le chantre de la « révolution néolibérale » thatchéro-reaganienne au sein du RPR puis de l’UMP, à cracher son venin sur le « modèle social français » et la « République une et indivisible ».
Pour preuve : le 9 juin 2005, lors de la convention de l’UMP sur l’immigration – tout un programme –, Devedjian se lance dans une violente diatribe contre, pêle-mêle, le code du travail, le « modèle social français » (comprenez : le programme « Les Jours heureux » appliqué à la Libération par le Conseil national de la Résistance (CNR), les grèves, la CGT, le PCF… et le stalinisme. Comme il le déclare si bien (en se référant à son « maître à penser » Raymond Aron, dont l’anticommunisme primaire n’est plus à démontrer) :
« Je résumerai, pour ma part que le modèle social français :
– n’est pas un modèle puisque personne ne veut l’imiter,
– n’est pas social puisqu’il provoque des records de chômage,
– n’est pas français puisque fondé sur la lutte des classes et le refus du réformisme.
Demandez-vous pourquoi la CGT, le Parti communiste, les mouvements révolutionnaires ne veulent pas en changer ? Parce que c’est le leur ! Ce sont eux, en grande partie, les auteurs des compromis passés en force sous menace de grèves générales à l’époque du stalinisme triomphant. Regardez les différentes couches sédimentaires de notre code du travail, croyez-vous qu’un seul des travailleurs qu’il prétend défendre puisse le comprendre ? C’est devenu le monopole des agrégés en droit du travail. »Devedjian
Patrick Devedjian n’a jamais digéré le fait que les travailleurs aient arraché, à une époque où la CGT était de classe et de masse et où le PCF était franchement marxiste-léniniste, des conquêtes sociales et démocratiques qui ne s’obtenaient pas par un « dialogue social » bidon ou par une prétendue « Europe sociale » : rien de plus naturel pour un héritier de l’extrême droite racialiste et fasciste.
D’ailleurs, « l’anticonformiste » « libéral, européen et décentralisateur » (traduisez : capitaliste, européiste et antijacobin primaire) – selon L’Opinion – s’engage toute sa vie dans les combats qui détruisent les conquêtes sociales et démocratiques, les services publics, la France et la République (y compris la politique d’indépendance nationale), le tout en participant au révisionnisme anticommuniste (disciple d’Aron, Devedjian est également un amateur du terme de « totalitarisme »). Evoquons pêle-mêle : la défense du traité scélérat de Maastricht en 1992, du Traité établissant une Constitution pour l’Europe en 2005 et du traité dit « simplifié » de Lisbonne en 2008 ; l’approbation de la guerre en Irak en 2003 ; comme ministre délégué aux Libertés locales puis à l’industrie entre 2002 et 2005, la mise en œuvre de la politique qui ouvre la voie au « pacte girondin » macronien et accélère la désindustrialisation de la France ; comme ministre chargé de la mise en œuvre du Plan de relance entre 2008 et 2010, la satisfaction des intérêts des industriels, financiers et banquiers heureux de compter sur l’Etat (qu’honnit tant Devedjian) pour renflouer leurs caisses. En somme, un bilan conforme à la droite capitaliste, européiste, atlantiste et fascisante, auquel Ian Brossat rend indirectement hommage en signalant « l’engagement » (physique compris) de ce « briseur de rouges ».
Mais le message de Ian Brossat est symptomatique de l’euro-mutation qui s’est emparée du PCF : il n’y a plus de lutte des classes mais des « divergences politiques »(et pas qu’un peu !) ; et il faut bien reconnaître la « grande intelligence » de cet homme qui sut admirablement manœuvrer pour porter la croisade anticommuniste sous différents masques, du GUD aux faux « Républicains » en passant par le RPR. Quant à l’aspect « chaleureux » du personnage Devedjian, ce ne sont pas les Arabes qui entendront cet argument quand on se souvient que l’ancien occidentiste se fendit d’une « boutade humoristique » en 2015 en déclarant : « Les Allemands nous ont pris nos Juifs, ils nous rendent des Arabes » (en référence aux réfugiés syriens arrivés en Allemagne). On sourit d’entendre se justifier celui qui, par européisme béat, expliquait lors des élections européennes qu’il était hors de question de sortir de l’UE car cela équivaudrait au « nationalisme » (et pas certainement à la reconquête de la souveraineté nationale ET populaire !), tandis que sa colistière affirmait que les partisans d’une sortie de l’UE (partisan que n’était pas Devedjian et que n’est pas le prétendu « Rassemblement national ») sont « profondément racistes » : on attend d’en savoir plus dans le cas de figure évoqué ici…
L’histoire retiendra donc que le premier ancien ministre décédé du coronavirus était l’un des chantres du démantèlement des services publics, qui coûte tant de vies ces derniers jours du fait de l’état désastreux des structures sanitaires. L’histoire retiendra également que Ian Brossat se précipita pour rendre hommage à cet homme « chaleureux » et « engagé » ; comme si la mort pouvait effacer une vie passée à détruire les services publics et le « modèle social français » – sans même parler du PCF et de la CGT qui, par leur euro-mutation, contribuent à leur propre affaiblissement – ; comme si toutes les morts se valaient. Naturellement, la presse aux ordres saluera de nouveau l’« hommage » de Ian Brossat, tellement plus « sage » et « républicain » qu’un Jean-Luc Mélenchon qui, lui, n’hésita pas à déclarer – à raison – à la suite du décès de la « dame de fer » en 2013 : « Margaret Thatcher va découvrir en enfer ce qu’elle a fait aux mineurs ».
On aurait préféré voir Ian Brossat rendre hommage à ce responsable de la sécurité au centre commercial O’Parinor, à Aulnay-sous-Bois et élu CGT, mort à 45 ans du coronavirus ; on aurait préféré que Ian Brossat se contente de ne rendre hommage qu’à Lucien Sève, décédé de la même maladie à 93 ans, ou à l’ancien résistant grec Manolis Glezos, décédé à 97 ans le même jour que Devedjian et qui, lui, en dépit de son combat contre le KKE, sut se trouver du bon côté de la barricade en dérobant le drapeau nazi au sommet de l’Acropole d’Athènes le 30 mai 1941 et en s’opposant à la dictature des colonels entre 1967 et 1974. Voici comment dérive un parti dont des dirigeants nationaux sont plus enclins à réclamer l’aide de la BCE pour mener la lutte contre le coronavirus plutôt que de sortir de l’euro et de l’UE, plus enclins à pleurer sur le décès d’un représentant de l’extrême droite – et la prochaine fois, ce seront les obsèques de Jean-Marie Le Pen ? – qu’à combattre l’infâme résolution anticommuniste adoptée par le Parlement européen le 19 septembre 2019, plus enclins à défendre une utopique « Europe sociale » qu’à mener frontalement le combat de classe et de masse, plus enclins à s’acoquiner avec des « écologistes » et « socialistes » qu’à reconstruire un parti communiste sur des bases marxistes-léninistes, etc. En somme, à lutter pour la sortie de l’euro, de l’UE, de l’OTAN ET du capitalisme.
[1] “-Qu’en est il de Marx comme référence ? :
Marx bien sûr (…) et la lutte des classes est une réalité.
– Si vous acceptez les prémices, pourquoi ne pas aller jusqu’au bout, puisqu’il y a chez Marx des décisions qui sont sensiblement plus radicales que des seuls aménagements fiscaux et pourquoi ne pas dire, si c’est le cas, que le Parti Communiste souhaite en finir avec le Capitalisme ?
Moi je suis favorable au déplacement du capitalisme, simplement je veux me confronter à la réalité, je ne veux pas faire de la politique de manière théorique. Si je me suis engagé au parti communiste ce n’est pas parceque je veux changer le monde en mots, je veux le changer en fait. Et être élu local et être élu au parlement européen c’est contribuer au fait que les choses changent. ” Interview France Culture 29 avril 2019